SteamShadows est un jeu de rôle qui est sorti il y a déjà pas mal de temps (en 2014 plus précisément). Il est le fruit d’une brillante campagne de financement qui a atteint plus de six fois son objectif. L’une des principales raisons de cet engouement est qu’il est d’un rare jeu 100% steampunk victorien édité en français. Tous les voyants étaient donc au vert. Malheureusement, SteamShadows, à sa sortie, a déçu une partie de ses souscripteurs et il est difficile d’en trouver des critiques positives, qu’elles soient issues de la presse spécialisée ou de la communauté des joueurs. Fan de steampunk, cela ne m’a toutefois pas découragé et j’ai décidé de donner une chance à ce jeu de rôle créé par Frédéric Dorne. Voici mon ressenti.
LA COSMÉTIQUE
SteamShadows est présenté sous la forme d’un livre au format 16cm x 22cm riche de… 476 pages ! Ce format, si intéressant pour des œuvres à la pagination inférieur à 250 pages, se révèle ici peu pratique, surtout dans des conditions de jeu.
Derrière une très chouette illustration de couverture de Fabien Laouer, le lecteur va découvrir un texte (un peu trop soumis aux coquilles) qui s’appuie sur une pagination et une maquette qui sont, à mon avis, trop chargées et qui nuisent au confort de lecture. Cette impression de lourdeur est amplifiée par la rareté des illustrations. C’est d’autant plus dommage qu’un bon nombre de ces illustrations sont des médiocres qualités. Bref, pour ce qui est de ce plumage couché sur du papier glacé qui pique les yeux, je n’ai vraiment pas été emballé. Espérons que le ramage…
L’UNIVERS
SteamShadows prend place au sein d’une uchronie victorienne steampunk. En 1889, les deux grands empires que sont l’Empire Britannique et la Russie des Tsars se disputent le contrôle du monde. Sous le règne de la reine Victoria, les Britanniques bénéficient aujourd’hui d’une énorme puissance militaire et politique, et cela grâce à la seule découverte d’un homme : la chaudière Stockwell. La vapotechnologie et la chaudière Stockwell ont en effet permis la création de puissantes machineries industrielles et militaires. Aujourd’hui, la vapotechnologie est partout et nombre sont les objets du quotidien qui l’utilise. Malheureusement, l’apparition de la chaudière Stockwell s’est accompagnée d’une autre : celle des Horreurs. Les Horreurs sont des spectres, des monstres ou des choses indéfinissables. Elles sèment la terreur ou attisent la curiosité, certaines sont (apparemment) inoffensives, d’autres dangereuses, mais elles sont toujours déclencheuses de troubles. Pour éliminer ces Horreurs, sir Stockwell a créé un ordre discret à défaut d’être secret, les SteamShadows, et les a équipés d’une arme inédite et délicate, l’Antiphonaire. Les joueurs incarnent ces chasseurs de fantômes.
Le livre est riche en informations utiles. On y trouve une description de Londres et de la société britannique, avec des chapitres sur la mode steampunk, la culture, la monnaie, les moyens de transport. Bref, tout le nécessaire pour mettre en place une partie dans cet univers victorien de la vapeur et du plus léger que l’air. L’histoire de la famille Stockwell y est détaillée, tout comme les personnalités importantes que sont les proches de la famille Stockwell et les politiciens proches de la reine. Un chapitre complet de plus de 30 pages est consacré à la vapotechnologie (avec une règle de création de machine) et un autre à la géopolitique et aux principaux adversaires de l’Empire Britannique (cultes étranges, agents ennemis, super vilains (si, si !), pirates, anarchistes, etc). Dans le premier chapitre, le lecteur découvrira aussi quelques Horreurs londoniennes citées comme exemples et il découvrira que cela n’est pas toujours matérialisé par des anciennes créatures tangibles, mais même parfois des objets, des navires…
Les joueurs sont invités à incarner des personnages venus de différents horizons sociaux, avec une quarantaine de métiers et d’occupations. A chaque métier et occupations sont attachés des niveaux de Fortune et d’Influence. Pour les joueurs pressés, des archétypes sont également disponibles, au nombre de huit. Plusieurs passages sont dédiés à définir l’organisation, les obligations et les moyens d’action des SteamShadows qui, même s’ils sont indéniablement de bonne volonté, ne sont pas toujours bien vus (non, non, vous ne tuerez pas mon tonton Casper le Fantôme !).
LES PERSONNAGES
Un personnage est défini par 15 caractéristiques, des Compétences, des Défauts et des Qualités, des valeurs d’Influence et de Fortune. La création du personnage est libre et établie à parti d’un budget général de 75 points. Chaque point dépensé ajoute un niveau dans l’une de ces données (sauf l’Influence, qui utilise une table de conversion). Il n’y a pas de contraintes hormis des valeurs maximales égales à 5 (pour les Caractéristiques), 4 (pour les Compétences) 7 (pour l’Influence) ou 22 (pour la Fortune). Certaines professions imposent des pré-requis. Par exemple, la profession d’instituteur exige une Influence minimale de 2 et un Savoir de 3. La création peut être une étape assez fastidieuse, aussi Frédéric Dorne a introduit dans le système des arbres narratifs par Caractéristique qui, via une suite logique, amène une valeur de Caractéristique finale. Une bonne idée, mais qui n’évite pas cependant une gymnastique mentale pour arriver à ses fins.
La règle de création présente une longue liste de Compétences disponibles qui va de Bricolage à Pistage, en passant par Science Vapotechnologique, Condition physique ou Verve. Acheter une Qualités (qui amène quelques avantages en jeu) coûte des Points de création. Choisir un Défaut amène des Points de création supplémentaires (mais des contraintes en jeu). Achat d’objets vapotechnologiques, comme le fameux Antiphonaire coûte également des Points de création.
LA MÉCANIQUE
A la base, elle est très simple. Quand un personnage veut tenter une action qui nécessite un test, le joueur lance 1D6 (jet semi-explosif, on relance une fois le D6 quand on obtient un 6), ajoute au score obtenu la valeur de Caractéristique sollicitée et, éventuellement, un Compétence concernée. La valeur totale est comparée à un seuil de difficulté fixé par la circonstance (le seuil Normal est fixé à 8). Si le résultat est supérieur ou égal au seuil de difficulté, l’action est réussie. En cas de dualité, le seuil de difficulté est fixé par un jet de D6 auquel on ajoute la Caractéristique impliquée. Par exemple, si un personnage veut faire tomber un adversaire, le Seuil de Difficulté est fixé par le score d’un D6 auquel on ajoute la valeur de la caractéristique Force et éventuellement celle de la compétence Condition physique.
Quand une action est « boostée » par une machine, on ajoute un deuxième D6 au test. Jusque là, rien de bien compliqué. C’est un peu moins intuitif quand on utilise la machine en « régime forcé », c’est-à-dire quand l’on veut pousser la machine dans ces retranchements. Interviennent alors les dés de Vapeur. Au début de la partie, chaque joueur dispose d’un set de dés de vapeur qui se compose comme suit : un D8, un D10, un D12 et un D20, qu’il peut mettre dans une Réserve Générale ou Personnelle. Quand un joueur veut utiliser sa machine en régime forcé, il échange le D6 normal de la machine contre le dé de son choix et coche la case correspondante sur sa feuille de personnage (ce dé ne sera plus disponible durant le reste de la partie).
Au final, dans sa phase la plus complexe, un test peut se définir par 1D6 + 1 dé Vapeur (de D6 à d20) + Caractéristique + Compétence + bonus de circonstance et/ou Qualité. Ouch !
Lors d’un combat, au début de chaque round, tous les protagonistes vont se définir une valeur d’Esquive avec 1D6 + Dextérité + Compétence Esquive. Le score obtenu fixe le Seuil de Difficulté de toutes les attaques des adversaires qui voudraient l’atteindre dans le round. Le score a obtenir pour esquiver les balles est de 12.
Les dommages sont des valeurs fixes dépendant de l’arme utilisée. Quand la réserve de points de vie d’un personnage (définie par Endurance + 10) est épuisée, il est mourant. Quand on personnage subit 10 points de dommage ou plus en une seule attaque, il subit un choc. A noter qu’il est fournit en règle optionnelle un système de localisation des dommages (très dispensable à mon avis).
LES HORREURS
Le bestiaire est présenté dans un généreux chapitre de près de 40 pages. Il y est décrit en détails les facultés des Horreurs, des créatures venues d’autres dimensions, qu’il définit comme des Cercles. Ces Horreurs parasitent les humains pour s’en nourrir, et elles attirent d’autres Horreurs, de plus en plus puissantes, venus de cercles supérieurs. A l’origine des apparitions de ces Horreurs, c’est des pannes dans les chaudières Stockwell. Et comme on en trouve aujourd’hui de partout, les Horreurs peuvent apparaitre n’importe où, en utilisant une sorte de focus d’invocation spirituel (vivant ou inerte). Certaines Horreurs sont tangibles (comme les loups-garous), d’autres agissent sous des formes fantasmées ou ectoplasmiques. Les moyens de lutte doivent être donc personnalisés, même si l’usage de l’Antiphonaire est efficace contre tous.
Ce bestiaire présente des Horreurs des deux premiers cercles, comme le Poltergeist (un parasite des sentiments) ou le Malmort (un parasite du Sang). En tout, 18 Horreurs, ce qui est largement suffisant pour débuter, décrite en détails, avec leurs caractéristiques, leurs limitations, leurs natures (tangible ou non, liés ou non avec un esprit humain), leurs apparences, et leurs motivations.
LES SCÉNARIOS
En fin d’ouvrage, le meneur de jeu se verra présenté trois scénarios (Le gardien de la tour, La source de vie et L’Appel de Sheppey) suivis d’une galerie de PNJs. Trois intrigues aux ambiances différentes qui contribuent à fournir aux joueurs et aux meneurs un bel éventail des possibilités de SteamShadows.
L’AVIS DE G&P
Bon, c’est vrai, les gouts et les couleurs, tout ça, cela ne se discute pas. Mais force est d’avouer que, de mon point de vue, SteamShadows est sacrément laid. Que cela soit le format, la maquette, les illustrations, rien ne me satisfait. Mais si l’on va au-delà de la cosmétique, de l’inconfort d’usage et de lecture, ce jeu de rôle ne manque pas d’intérêt.
A commencer par les ingrédients steampunk et fantastiques qui forment une belle alchimie. Incarner des chasseurs de fantômes au moyen de machines à vapeur ? Quelle chouette idée ! J’aurai apprécié une atmosphère plus pulp (on évolue étrangement dans un environnement très sérieux) mais j’aime à dire que le travail de création effectué par Frédéric Dorne mérite d’être loué. L’univers est bien décrit, les possibilités multiples de scénario bien mises en évidence, et la vapotechnologie bénéficie d’une belle description, tout comme les Horreurs.
Je suis nettement moins convaincu par les règles. Elles ne sont pas mauvaises, loin de là, mais je les pense trop peu judicieusement choisies pour ce type de jeu aux fondements pulps (dans un univers victorien, on chasse des monstres avec des machines à vapeur). SteamShadows aurait gagné en caractère avec un système plus léger et intuitif. Là, l’on est presque dans le simulationnisme avec ses tonnes de caractéristiques, de compétences et de localisations de dommages (ok, ces dernières sont en option mais rien qu’y avoir songé..). Là encore, ce n’est que mon avis car intrinsèquement, il n’y a pas grand chose à redire.
LA FICHE TECHNIQUE
STEAMSHADOWS, LE LIVRE DE BASE
Un jeu de rôle de Frédéric Dorne
Matériel additionnel: Delphine Denocq, Camille Claben, Christophe Denouveaux, Nicolas Pierre, Laura Pierre
Illustration de couverture: Fabien Laouer
Illustrations intérieures: Fabien Laouer, Frédéric Dorne
Matériel: livre de 484 pages format A5 à couverture rigide
Edition: JDR Editions
Prix: 39,00€