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Lore & Legacy: la critique

Lore & Legacy vous invite à vivre des aventures extraordinaires sur Empyréa, une planète située au cœur de la Voie Lactée. Bien sûr, Empyréa n’existe pas. C’est un monde fantasmé mêlant science, medfan et fantasy, issu de l’imaginaire de Julien Pirou. Lore & Legacy est un jeu de rôle présenté dans un livre de plus de 300 pages sous la forme d’un « tout en un », c’est-à-dire qu’il réunit toutes les informations nécessaires, que vous soyez simple joueur ou meneur de jeu.

UN PETIT COTÉ VINTAGE

Avec son petit format et son impression N&B, Lore & Legacy est un ouvrage à la cosmétique sobre et épurée. Derrière une couverture cartonnée illustrée par Pascal Blanché et Jakub Rebelka, 336 pages au format 13×25 noir & blanc. Ce choix d’une mise en forme simple, où l’on devine la patte très personnelle de John Grümph, appuyé par une police très lisible, lui donne un sympathique petit coté vintage, tout en nous assurant un confort de lecture. Les illustrations noirs et blancs sont nombreuses et sont évidemment des aides pour se plonger dans le monde imaginé par Julien Pirou. A noter la présence en début d’ouvrage d’une imposante table des matières, un élément un peu trop souvent négligé dans les manuels de jeu de rôle. Le livre se divise en quatre grandes parties qui s’entremêlent: une partie encyclopédique avec la présentation des spécificités d’Empyréa (géographiques, historiques, géopolitiques..), les règles de simulation (création de personnages, magie, etc.), une section qui va plus loin dans la description de la vie qui attends les personnages, dits les Francs-lanciers, et enfin trois aventures grands formats.

EMPYRÉA, TERRE DE SCIENCE-FANTASY

Empyréa est une imposante planète exotique occupée par des communautés humaines et aliens, toutes originaires de divers systèmes planétaires. Une section historique nous décrit le processus de colonisation d’Empyréa, et plus précisément le continent d’Énélysion. Il y eu tout d’abord une civilisation extra-terrestre extrêmement évoluée, les astarites. Aujourd’hui disparue, ce peuple a laissé derrière lui d’impressionnants vestiges teintés de mysticisme et ésotérisme, des cités fantômes et les Nexus, ces étranges construction aux propriétés télépathiques. Les fans de Planète interdite et de ses Krells apprécieront. C’est d’ailleurs à partir de la date de la disparation du dernier dirigeant astaride, l’Incarnat Jokales, qu’est établi le début du calendrier officiel. C’est les agamides, représentants d’une race reptilienne pas très sociable, qui leur succédèrent. Vinrent ensuite les ælfyns (les elfes), les orcs et les dakti (les nains), puis, enfin, bon dernier, les humains. Toutes ces races vivent aujourd’hui dans un état civilisationnel crépusculaire et médiéval, au milieu des vestiges technologiques de leurs aïeux, ayant transformé les épaves de leurs anciens vaisseaux interstellaires en habitations et autres commodités. Un décor qui se plait à cultiver l’uchronie, avec l’usage de quelques reliques des temps anciens encore fonctionnelles comme les bateaux navires volants agamides, le karkans dakti (sortes d’exosquelettes blindés) et les désincarnés, des êtres artificiels créées jadis par les astarides, sortis de leur sommeil millénaire et qui sont des personnages jouables.

La partie consacrée à la description de ces peuples jouables est l’une des plus imposantes du livre. Vous serez peut-être surpris, comme moi, de constater la présence de nombreux poncifs. Elfes, nains, humains et cette sorte de demi-dragon (ou de dragonewt pour les joueurs de RuneQuest) qui sont présentés ici ne se détachent pas du tout des archétypes rencontrés dans la plupart des jeux de rôle fantasy. Un parti pris qui est totalement assumé par Julien Pirou lors de son introduction. Cette démarche assez souvent rencontrée (et qui est assez sympathique) dans le Planet Opera depuis Edgar Rice Burroughs et son cycle de Mars, consiste à proposer aux rôliste des avatars familiers et de les surprendre en les transposant dans des environnements dépaysant. Ici un mixage de high fantasy et de science-fiction, saupoudrées de mystère et d’ésotérisme. Chaque race jouable est définie par un chapitre détaillant ses attributs de base, ses spécificités physiologiques et ses traits raciaux, ses mœurs, ses structures politiques et sociétales, ainsi ses croyances.

Dans Lore & Legacy, les joueurs incarnent des francs-lanciers, les membres d’une caste de guerriers et de scientifiques qui cherchent à comprendre un phénomène nommé l’Altération, une sorte de virus nécrotique qui menace le monde, pour mieux le combattre.

LE MOTEUR 3D

La seconde partie est consacrée aux règles, qui se veulent simples et éprouvées. Lore & Legacy est motorisé par un système utilisant un jeu de 3 dés (d6, d8 et d10) et baptisé simplement Moteur 3D. Un personnage se voit défini par sept attributs (Caractère, Discernement, Maîtrise, Prestance, Robustesse, Vigueur et Fortune) dont les valeurs sont comprises entre 1 et 4. Si elles sont propres à chaque race et définies dans leurs descriptions, le joueur pourra le personnaliser en répartissant 6 points dans les attributs de son choix (sans toutefois pouvoir dépasser 4). De ses attributs sont déclinées des caractéristiques secondaires comme les points de vie, les points de magie, ainsi que les résistances physique, magique et mentale.

Un personnage est également défini par deux Traits qui sont propres à sa race et il peut acquérir d’autres Traits en investissant des points de création. C’est les Traits qui personnalisent réellement l’avatar pour en faire un être unique. Certains sont négatifs (comme Addiction à une substance ou Frêle) et ils se traduisent par l’utilisation d’un dé d’adversité (voir plus bas) dans certaines situations, d’autres sont bénéfiques (comme Hardi ou Héritage). Dans ce dernier cas, le bénéfice est variable. Le choix est large avec la présentation de plus de 60 traits divers et variés. Viennent ensuite les Capacités, qui enrichissent votre personnage et le rendent plus performants.

Une Capacité est une compétence liée à un attribut. Par exemple, la Capacité Concentration est liées à l’Attribut Caractère alors que la Capacité Combat à distance est liée à la Capacité Maîtrise. Chaque Attribut se voit donc attachée une liste de Capacités dont la valeur se situe entre 0 et 4. Ces Capacités sont acquises en dépensant des points de création lors de la création du personnage ou au fil des parties, en dépensant des Astres (équivalents aux points d’expérience). Quand un personnage à un score de 1 point dans une Capacité, on dit qu’il l’a acquise. A noter que certains Capacités sont exclusives à une race donnée.

S’il est demandé à un joueur d’effectuer un test pour effectuer une action, il va vérifier s’il possède une Capacité en lien avec l’action. Si c’est le cas, il lance un d10 et ajoute la valeur de la Capacité. Si ce n’est pas le cas, il lance un d6 et ajoute la valeur de l’Attribut sollicité. Le résultat obtenu est alors comparé au Degré de Difficulté (la valeur moyenne est de 6). Si le résultat est inférieur à la moitié du DD, c’est un échec ; s’il est compris entre la moitié du DD et le DD, c’est une réussite partielle ; s’il est supérieur ou égal au DD, c’est une réussite standard ; s’il est supérieur à 1,5xDD, c’est une réussite majeure. A noter que, en combat, le Degré de Réussite influe également sur le montant des dommages infligés, ainsi les dégâts sont réduits de moitié dans le cas d’une réussite partielle. Dans les combats, c’est généralement la valeur de Résistance Physique de l’adversaire qui fixe le Degré de Difficulté. Pour calculer les dégâts infligés en combat, on lance 1d8. Son résultat est modifié par le type d’arme (une dague fait 1d8+1 et une épée bâtarde 1d8+4), la Capacité Musculation de l’attaquant (dans le cas d’un corps à corps) et le Degré de Réussite de l’attaque, puis appliqué à la cible.

Parlons maintenant quelques spécificités de ce Moteur 3D, à savoir l’utilisation des dés de fortune et d’adversité. Ils entrent en jeu dans certaines situations, quand le Trait d’un personnage est pris en compte ou quand le meneur de jeu considère que c’est justifié (un personnage qui se retrouve dans une position de faiblesse peut se voir infligé un dé d’adversité, inversement, un personnage en situation d’avantage peut se voir attribuer un dé de fortune). Ce type de dé est identique à celui utilisé pour le test (soit un d10, soit un d6). S’il s’agit d’un dé de Fortune, on ajoute son résultat à celui du dé de base. S’il s’agit d’un dé d’adversité, on soustrait son résultat à celui du dé de base. La valeur finale ne pourra toutefois pas être inférieure à zéro. A noter que si le résultat affiché par ce dé supplémentaire est égal à son maximum (10 pour le d10, par exemple), on obtient soit une Réussite spectaculaire, soit un Échec Désastreux. Une nouvelle façon d’aborder les principes de critiques et de maladresses.

LA MAGIE

Empyréa est un univers où la magie existe. Elle en est même l’une des composantes essentielles. La planète elle-même génère une énergie psychoréactive, le champ éthérique, qui, avec de l’entrainement, peut être domestiquée et modelée suivant les penchants de l’utilisateur, à savoir le magicien. Il y a donc plusieurs types de magie (magie illusoire, magie matérielle et magie rituelle) mais leurs principes de fonctionnement restent identiques : par l’utilisation de sortilèges. Un prérequis toutefois : l’apprenti magicien doit avoir acquis la Capacité Sorcellerie.

Pour lancer un sortilège, le magicien doit dépenser des points de magie (PM) qui sont fixés par la nature du sort. Par exemple, lancer un sortilège de Terreur coûte 6PM. Il doit également effectuer un test dont le Degré de difficulté est la valeur de Résistance Mentale ou Magique (suivant le type de sort) de la cible. On applique les principes du Moteur 3D, à savoir les Degré de réussite ou d’échec et l’éventuellement l’utilisation de dés d’adversité ou de fortune. A noter que la magie rituelle est une magie très puissante qui exige l’engagement de plusieurs participants pour réunir le nombre de PM nécessaires.

Sur plus de 30 pages, ce livre de base présente une longue liste de sorts illusoires, matériels et rituels. Parmi ces 90 sorts, certains sont communs aux jeux de rôle fantasy, d’autres sont plus originaux car légèrement teintés d’une aura de science-fiction, un peu comme dans Shaan (Distorsion gravitationnelle, Surtension…). On reste cependant en terrain reconnu et le rôliste, même peu expérimenté, restera dans sa zone de confort.

LE FRANC-LANCIER

Les joueurs incarnent des francs-lanciers, les membres d’une guilde chargée par les nations de veiller à la sécurité de l’Énélysion septentrional. Ils sont notamment en charge de protéger les citoyens contre les attaques des dragons, ces terribles créatures extraterrestres qui tombent, sous formes de graines avant d’éclore, sur la planète pour y semer terreur et destruction. Les membres de la Guilde ont également pour missions de mener des expéditions pour étudier l’Altération en explorant les anciens sites astarides. Le but final étant évidemment de trouver un remède à ce mal. Mais les francs-lanciers effectuent de nombreux autres travaux. Bien organisée, la Guilde utilise un système de classement prioritaire pour gérer les crises, un maillage de postes permet d’envoyer rapidement une équipe de francs-lanciers sur les lieux. Evidemment, cela n’est pas gratuit. Les francs-lanciers, à la fois bon samaritains et mercenaires.

Le chapitre consacré aux francs-lanciers fournit toutes les indications nécessaires pour bien appréhender le fonctionnement de la Guilde, les prérogatives des membres, les primes et les récompenses en Astres. Astres qui permettront aux personnages de s’entrainer et de s’améliorer. Des tables sont incluses pour gérer le système de progression, avec l’achat de sortilèges dans les bibliothèques magiques, la fabrication de reliques (les arcanotechs), l’achat de Traits, de Capacités. De nombreux exemples sont présents pour une meilleure compréhension.

PATERA, BERCEAU DES FRANCS-LANCIERS

Ce livre de base propose également un support d’aventure, un décor qui va aider le meneur de jeu à construire ses scénarios. Il s’agit de la cité de Patera, la cité du Cratère. Le chapitre décrit en détail l’histoire de ville, de sa création jusqu’à ce jour. Jadis caravansérail, Patera est aujourd’hui une puissante ville franche commerciale, un bouillon de culture à la population cosmopolite. Un peu à la manière de Faucongris, la célèbre création de Gary Gygax, Patera est également le paradis des espions, des voleurs, des magouilleurs et des intrigants. Elle est également extrêmement politisée. Patera est également l’un des lieux d’attache de la Guilde (elle y est même née), elle est donc l’endroit idéal pour y faire débuter des jeunes francs-lanciers. La description de Patera, quartier par quartier, avec la présentation des personnalités marquantes, s’accompagne d’une carte très précise de la ville et d’illustrations qui plongent le lecteur dans l’ambiance. Un descriptif qui s’étend jusqu’à la région environnante, riche en accroches d’aventures.

EN ROUTE POUR L’AVENTURE…  ET DE L’ADVERSITÉ

Lore & Legacy propose trois aventures prêtes à jouer. Forts de 10 à 20 pages, ces scénarios découpés en plusieurs actes sont des moyens idéaux pour permettre au meneur de se familiariser avec les règles et aux joueurs de découvrir quelques uns des aspects du jeu.

Les deux derniers chapitres du livre sont consacrés à la présentation d’un bestiaire, avec plus de 30 créatures, d’une galerie de PNJs (9 archétypes) et des personnages prétirés (pour les plus pressés).

L’AVIS DE GUERRE & PLOMB

Avec sa cosmétique très sobre, Lore & Legacy ne paie pas de mine. Sans être disgracieux, le livre est loin d’atteindre le niveau esthétique qui est actuellement la norme dans l’édition des jeux de rôle. Cependant, dès la lecture des premières pages, l’on prend conscience que la richesse du jeu de Julien Pirou se situe ailleurs, dans le monde que le concepteur nous propose. Lore & Legacy marie avec bonheur des éléments vintage et d’autres, nettement plus contemporains. Il introduit ainsi un système assez traditionnel mais avec des allégements et des modifications qui encouragent la narration.

Autre atout, l’aspect « tout en un ». Avec Lore & Legacy, pas de livre du joueur, pas de manuel du maître, pas de compagnon, pas de recueil de scénario. Tout est condensé dans les 336 pages de ce livre et sans que cela soit rébarbatif ou trop indigeste. On y trouve d’ailleurs de nombreuses illustrations. J’apprécie également le setting, avec un univers qui mêle science-fiction et fantasy, un mariage qui ouvre la porte à de nombreux développements, suivants les préférences des joueurs et/ou du meneur de jeu.

Lore & Legacy est un jeu de rôle très accessible, à la fois en termes d’investissement monétaire que par la simplicité de son système de jeu, le Moteur 3D, qui est aussi intuitif que fun. Bref, une réussite

J’AIME BEAUCOUP

FICHE TECHNIQUE

LORE & LEGACY

Un jeu de rôle de Julien Pirou
Illustration de couverture: Pascal Blanché, Jakub Rebelka
Illustrations intérieures: Vagelio Kaliva, Jeff Laubenstein, Pierre Le Pivain, Bex Lowe, Jakub Rebelka, Jean-Mathias Xavier
Ornements: John Grümph
Édition: Empyréal
Matériel: livre de 336 pages N&B format A5 à couverture rigide
Prix: 35,00€
Site internet: https://empyreal.pirou.games/

Si vous testez découvrir le jeu, sachez que Le livre du joueur, un kit d’introduction à Lore & Legacy est disponible gratuitement en pdf. Pour le télécharger, cliquez sur l’image ci-dessous.



Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

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