Si vous êtes un fan de jeux de rôle occultes et horrifiques, vous n’êtes pas sans connaître le suédois Kult, grand classique dont la première édition remonte au début des années 90 et qui eut droit à une localisation grâce à l’amour de l’éditeur 7eme Cercle pour le genre. Contemporain des œuvres de Clive Barker, comme Hellraiser, le jeu en empreinte le concept pour offrir aux joueurs un univers très adulte et très, très sombre, dans lequel leurs personnages vont découvrir, et subir, les réalités infernales de leur environnement. Les éditions se sont suivies (toujours en français chez 7eme Cercle) avant que sorte chez Modiphius, en 2017, Divinity Lost, Une nouvelle version qui révise complètement la mécanique de jeu, en adoptant le système Powered by The Apocalypse, et dont la localisation se voit confiée à Arkhane Asylum Publishing, qui nous propose aujourd’hui La Madone Noire.
La Madone Noire est la campagne la plus célèbre de Kult, comme l’est La Campagne Impériale pour Warhammer ou le Temple Élémentaire pour Advanced Dungeons & Dragons. Comme pour l’édition originelle, elle prend place à Berlin, en 1991. A cette époque, on venait d’assister à la chute du mur de Berlin et la guerre froide touchait à sa fin. Le monde occidental était sans dessus dessous. Les cartes étaient rebattus pour accoucher d’une nouvelle Europe. l’URSS vivait son agonie. Cependant, en prélude à l’aventure, le background nous transporte d’abord à Léningrad, en 1941, une ville alors assiégé par les armées allemandes, plongeant les habitants dans une grande souffrance. Évidemment, ces lieux remplis d’horreur composent un terrain de jeu idéal pour les puissance infernales. Cette escapade dans le passé introduit les éléments principaux que les personnages vont rencontrer un demi-siècle plus tard, par le biais de Magda Orlova, une connaissance passant de vie à trépas (chaque personnage a un lien spécifique avec elle… et cache un Sombre Secret). Un événement déclencheur qui va les entraîner dans des pérégrinations à travers une Europe de l’Est, dans une histoire mêlant espionnage et horreur, pour découvrir ce qui sache derrière une brume d’illusion, une terrible réalité.
Avec La Madone Noire, les auteurs nous donnent l’occasion de revivre fidèlement les soirées des joueurs des années 90. Il y a quand même quelques petits changements, comme les PNJs, dont les attributs (et les illustrations) épousent une imagerie plus dark-gothique que l’édition de 1991. La campagne s’adresse donc plutôt aux nouveaux amateurs de Kult. Quoique. Très bien écrit, le texte se lit comme un roman, les éléments historiques sont excellemment intégrés avec les éléments surnaturels ce qui facilite la compréhension d’une intrigue assez complexe. Difficile de décrocher dès l’entame des premières pages. Le travail du meneur de jeu est facilité au maximum, avec de nombreux conseils, des plans de tous les lieux visités, une grande quantité de détails historiques, fantastiques et géographiques. Il est vrai que cela va demander de la part du MJ une belle masse de travail en amont, pour bien appréhender la totalité de la campagne. Mais, ainsi fait, il pourra alors s’accommoder assez aisément des décisions inattendues et des atermoiements des joueurs, pour les reconduire finement dans la bonne direction. L’improvisation est donc un exercice moins risqué que l’on aurait pu le craindre, et le PbtA est un bel outil pour ce faire. En sachant que le MJ va devoir faire preuve de tact et de malice pour que ses joueurs ne sentent pas un peu trop « menés par le bout du nez » avec une campagne somme toute très linéaire et qui les entraîne dans un course mortelle contre la montre.
Excellent, également : les Appendices et l’Index. Cela va sauver un nombre incalculable de MJ en détresse. On y trouve un récapitulatif de la nombreuse galerie de PNJs, avec leurs profils et caractéristiques mais aussi des reports vers les pages du livre où ils interviennent.
Par contre, attention ! Kult, c’est connu, est un jeu de rôle très adulte et digressif. La Madone Noire ne déroge pas à la règle. Elle pousse même très loin le curseur. Les scènes de torture, de viols, de terreur psychologique, de meurtres, de gore, de déviations sexuelles sont des aspects qu’il ne faut pas négliger quand on envisage de faire jouer cette campagne. Si vous connaissez bien vos joueurs, parfais, mais même dans ce cas, je vous conseille d’en discuter avec eux au préalable. Des techniques existent pour atténuer les choses, comme les fondus et la carte X, mais bon, dans ce cas, autant jouer à un autre jeu que Kult car ces aspects en composent la substantifique moelle.
Conclusion
Kult est un grand classique du jeu de rôle occulte, et La Madonne Noire en est son chef d’œuvre. Cette campagne se pose même comme un canevas pour qui voudrait concevoir sa propre histoire. Elle paie un peu de sa linéarité, mais elle est riche de tant de détails que le MJ habile pourra construire le récit de manière personnelle, adaptée aux décisions de ses joueurs. Un indispensable pour les fans du genre.
FICHE TECHNIQUE
Type de jeu: jeu de rôle
Titre: LA MADONE NOIRE
Sous–titre: –
Œuvre: KULT: DIVINITÉ PERDUE
Type: Recueil de scénarios / Campagne
Titre original: The Black Madonna (Modiphius Entertainment – 2017)
Thème(s): Occulte / Contemporain / Horreur / Adulte
Mécanique: Powered by the Apocalypse
Création et rédaction: Marco Behrmann, Gunilla Jonsson, Robin Liljenberg, Petter Nallo, Michael Petersén
Illustrations de couverture: Bastien Lecouffe Deharme
Illustrations: Bastien Lecouffe Deharme, Jens Jonsson, Paolo Parente, Anton Semenov, Adrian Smith, Marcin Tomalak
Plans et cartes: N/A
Traduction:
Matériel:
– Livre de 166 pages couleurs format A4 à couverture rigide.
Edition: ARKHANE ASYLUM PUBLISHING
ISSN/ EAN: 978-2-37255-136-6 (septembre 2024)
Prix moyen constaté: 40€
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