La fiche de LES POILUS sur Guerre & Plomb


2 Août 1914 – Sur la grand-place du village, le groupe d’amis inséparables contemple, incrédule, l’ordre de Mobilisation Générale placardé sur la mairie. Depuis plusieurs semaines, la lecture de la presse était devenue très inquiétante mais la brutalité́ de l’annonce surprend tout le monde. Sans avoir la moindre idée de l’enfer dans lequel ils vont être plongés, ils se font la promesse de rester solidaires pour revenir tous ensemble quoi qu’il advienne. Malheureusement, la réalité qu’ils vont affronter sera bien au-delà̀ de leurs pires craintes. 

Les Poilus se présente sous la forme d’un petit jeu, dans une boite de format 14x14x5 illustrée par le regretté Tignous, avec un dessin qui va se révéler évocateur car il ne représente pas une scène de combat mais un soldat lisant une lettre sous les regards de ses camarades d’infortune. A l’intérieur, un deck de cartes illustrées par le même Tignous, quelques pions cartonnés, une aide de jeu et le manuel des règles.

PRINCIPE DE JEU

Présenté par l’éditeur comme mettant en avant la coopération face à l’adversité (l’amitié plus fort que la guerre ?), ce jeu de cartes de Fabien Riffaud et Juan Rodriguez invite deux à cinq joueurs à incarner des poilus de la Grande Guerre, avec pour but commun de résister aux pressions anxiogènes de leur situation plutôt inconfortable. Le concept et les principes de jeu, bien qu’un peu opaques quand l’on aborde pour la première fois le livre de règles (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué), sont finalement assez faciles à comprendre et assimiler. Les joueurs vont lutter contre un deck de cartes Épreuve infligeant des menaces et des coups durs, le but étant d’y résister jusqu’à l’épuisement du dit deck, une pioche alimentée tous les tours par un nombre de cartes dépendant de la résilience des joueurs (c’est-à-dire le nombre de cartes leur en reste en main à la fin d’une manche, appelée mission).

Lorsque vient son tour, un joueur a le choix entre plusieurs actions : il peut jouer une carte (menace ou coup dur) de sa main en la posant sur la table (la carte menace va dans une zone commune, nommée No Man’s Land ; la carte Coup Dur agit sur le personnage) ; il peut utiliser la capacité spéciale de son personnage (le trèfle à quatre feuilles) ; celui est le leader du tour peut faire un Discours (permettant de virer quelques cartes Menace ou Coup dur posées sur la table) ou, enfin, il peut se replier, ce qui met un terme à sa participation à la manche. Cependant, en faisant cela, s’il lui reste des cartes en main, il les conserve, ce qui va avoir un impact sur l’alimentation en cartes du deck Épreuve. Le but ultime, pour gagner, étant de vider le deck de cartes Épreuve pour faire apparaître la carte Colombe de la paix ET ne plus avoir de cartes en main.

Jusque là, on se trouve devant un jeu dont l’aspect coopératif se traduit simplement par la pose de cartes dans une zone commune, en veillant à ne pas dépasser des limitations qui mettraient un terme à la partie (avec une défaite à la clef). Les auteurs ont cependant ajouté un élément qui renforce le mode coopératif : les soutiens. Quand un joueur se replie, il pose un pion Soutien (face caché) sur sa carte de personnage – le pion Soutien désigne un autre joueur. A la fin de la mission, les joueurs retournent leurs pions Soutien et on détermine quel est le personnage qui reçoit le plus de Soutien. Ce dernier peut alors défausser deux de ses cartes Coups Durs ou réactiver sa capacité spéciale.

L’AVIS DE G&P

Les Poilus, avec son thème historique et mémoriel (donc pédagogique), ses illustrations de Tignous (dessinateur connu), son petit format et la courte durée de ses parties apparait comme le jeu familial par excellence. Cependant, le système, sophistiqué sans être toutefois complexe,  le rend un peu plus difficile à maitriser qu’on aurait pu le penser au premier abord. Par contre, pour le joueur initié ou expert, force est de dire que, une fois les règles assimilées, la mécanique tourne rondement et les tours se déroulent sans heurts. Au final, c’est sympa et fluide. Bref, j’aurais bien désigné Les Poilus sous le terme de jeu génial mais  une ou deux choses m’en empêchent. A la base, Les Poilus, c’est un jeu coopératif. Hors, il est interdit de communiquer et tous les jeux sont cachés. En conséquence, la coordination est quasi impossible et l’on s’en remet souvent à la chance quand on joue une carte ou quand on effectue une action, en espérant qu’elle ait un effet sur ses compagnons. Donc, pour apprécier pleinement Les Poilus, il faut accepter le fait que l’on ne maîtrise pas réellement l’aspect coopératif, que certaines de nos actions précieuses seront gaspillées car jouées un peu ‘’à l’aveugle’’.  Mais ce n’est pas pour autant un jeu à éviter, bien au contraire car ses qualités effacent joliment les désagréments causés par le hasard.

Les plus
Le format
Les illustrations de Tignous
Une mécanique très fluide
Un jeu de guerre ‘’pacifique’’

Les moins
L’aspect aléatoire, qui peut agacer
Un manuel de règles bizarrement tourné.

LES POILUS
Un jeu de Juan RODRIGUEZ et Fabien RIFFAUD
Illustrations de TIGNOUS
Edité chez SWEET GAMES (2015)

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

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