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Rencontre avec… Mikael Cheyrias

Sethmes est une maison d’édition très dynamique à qui l’on doit des produits originaux et accrochés à des thèmes réalistes et historiques que nous apprécions particulièrement, comme Etherne, qui nous plonge dans l’ère de la République Romaine, ou Kémi, un jeu très accessible qui invite les personnages à visiter l’époque des pharaons. Aussi, quand nous avons appris le lancement d’un nouveau jeu de rôle, baptisé NOC, nous n’avons pas hésité une seconde pour interroger sur le sujet son chef de projet, Mikael  »Pyromago » Cheyrias, et lui poser d’autres questions d’ordre plus général.

G&P: Bonjour, Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Mikaël « Pyromago » Cheyrias, l’un des membres de Sethmes. Je suis créateur et chef de projet sur NOC, ainsi que créateur d’Aventures dans Monde Intérieur (édité par La Boite à Polpette puis les Ludopathes).

Qu’est-ce qui vous a amené vers le jeu de rôle puis l’activité d’éditeur ?
J’étais déjà rôliste dans le ventre de ma mère, même si je ne le savais pas encore.

J’ai commencé formellement le jeu de rôle, et les jeux en général, il y a 30 ans avec Vampire, le jeu de figurine Warhammer, puis rapidement les jeux de plateau. Bref, cursus geek par excellence, motivé par un goût très profond – un besoin, pourrait-on dire – pour l’imaginaire et sa façon d’enrichir le réel.

L’activité d’éditeur est beaucoup plus récente, pro-active et conjoncturelle. Elle est également le fruit de quelques rencontres. J’ai fait la connaissance de Cédric (Chaillol, auteur de Kémi) et d’Elwin (Charpentier, auteur d’Etherne et co-auteur du jeu de plateau Fleet Commander) il y a une quinzaine d’années à l’époque des jeux de rôle amateurs ou semi-pro, dans les rangs de quelques projets qui ont eu des trajectoires diverses. Suite à cela, nous sommes restés proches et nous avons suivi des chemins comparables, faits d’énormément de passion, de travail et de bien peu de concrétisations. Début 2019, par une étrange synchronicité, nous avons tous ressenti l’envie et l’énergie de prendre nos destins en main et franchir un cap. Nous avons embarqué Mickaël, maître es-chiffres, rallié une jolie armée de proches aux compétences variées, et construit le navire sur lequel nous naviguons aujourd’hui : Sethmes.

Sethmes est une jeune maison d’édition. S’il fallait lui définir une identité, une originalité, quelle serait-elle ?
Pour l’heure, Sethmes est avant tout une maison de création. Tout est dans le sous-titre : Sethmes – bâtisseurs d’univers. Avant même les œuvres, ce que nous développons, ce sont des univers originaux, 100% maison, que nous enrichissons, structurons et consolidons avec l’ambition d’en faire les socles de nombreuses productions. Des licences plus que des gammes, pourrait-on dire. NOC en est un exemple : pour l’heure, nous sommes en plein dans la production du jeu de rôle, mais de nombreux autres ouvrages sont déjà prévus, voire prêts : jeux de plateau, roman, bande sonore…

Que doit avoir un jeu de rôle pour être édité chez Sethmes ?
Nous sommes très pénibles en la matière. Une imagerie forte. Une proposition ludique claire mais large. Un style assez mature. Un rapport à l’Histoire et un traitement des thèmes sans compromis.

Quel est le choix de financement choisi pour les gammes Sethmes ? Traditionnel ou via financement participatif ?
Pour Kémi et Etherne, nous sommes passés par du print-on-demand et surtout, par la mise en libre téléchargement des pdf selon le modéle du « pay what you want ». Nous aimons et favorisons autant que possible ces systèmes, à la fois très souples pour nous, idéaux pour se faire connaitre et très intéressants pour le joueur.

Pour NOC, l’ampleur du projet nous a contraint à changer de méthode. Le financement est mixte : le développement est payé par l’équipe, ce qui inclut des postes très lourds comme les illustrations. L’impression, elle, sera alimentée par une campagne de financement participatif qui devrait débuter à la fin du mois de mai, puis par les ventes en boutiques.

Pouvez-vous nous présenter en quelques phrases NOC, votre dernier jeu de rôle ? Dans quel univers se déroule-t-il ?
L’action de NOC se passe dans un futur indéterminé sur Terre… À ceci près que cette dernière a été avalée et enfermée dans un Artefact sinistre sorti de l’espace ou du temps. Bien que privée de la lumière du jour, la vie a survécu grâce aux miracles de cette machine inouïe, qui a également intimé le respect à l’homme en le privant de ses moyens technologiques. Face à cette apocalypse perpétuelle, l’humanité survit derrière les murs d’enclaves dominées par une administration totalitaire qui se prétend le relais légitime entre l’homme et ce qu’on est venu à appeler l’Objet-Dieu. NOC est donc un univers occulte, dystopique et rétrofuturiste.

Les joueurs se verront confier quels types de personnages ? Et quels défis devront-ils relever ?
La voie qui s’ouvre devant les personnages de NOC est longue et épique. Ils commenceront comme simples citoyens sceptiques ou comme dissidents et chemineront vers la lumière. Ils devront lutter contre les mensonges et les pratiques du système, plonger dans les conflits et les manœuvres se jouant dans les ombres, comprendre ce qu’il se passe vraiment et acquérir les moyens de rendre le ciel à la Terre.

À terme, NOC proposera également des Configurations : des modes de jeux particuliers permettant d’aborder l’univers sous des angles plus spécifiques. Unité de la Garde Noire, arpenteur d’une caravane itinérante ou membre d’un gang régnant sur les pans abandonnés de la civilisation.

Quel est le système choisi ? Un système dédié ou un moteur en licence libre ?
NOC est motorisé par un système dédié. Puisqu’il est de bon ton de baptiser son corpus de règles, nous l’avons appelé le « Nocturne ».

Ce dernier est un « faux diceless ». Lorsque les personnages tentent des actions complexes, on compare simplement leur score dans un Talent à un niveau de difficulté. S’il est supérieur, le personnage réussit, sinon il échoue.

Les choses ne s’arrêtent évidemment pas là : un joueur peut, s’il le veut, lancer des d10 pour tenter d’améliorer son score de Talent le temps d’un jet. Nous appelons ça « provoquer le Destin ». Pour chaque 8 ou plus, le niveau du Talent augmente de 1. Par contre, pour chaque dé donnant un 1, un jeton est ajouté à la réserve de Fiel du groupe de PJ. Lorsque cette dernière atteint 5, elle déborde : un effet néfaste affecte tous les personnages et le niveau de menace du scénario augmente. Chaque jet est donc un pari risquant de précipiter toute la table dans les ténèbres.

Plusieurs réserves de points à dépenser permettent aux joueurs d’influer sur cette base simple, comme l’Espoir (permettant de lancer beaucoup plus de dés, avec les risques que cela représente) ou le Vécu (qui permet au contraire d’obtenir ponctuellement un bonus de 1  sans recours aux dés si l’action correspond au passif du personnage).

Quelle est l’équipe derrière NOC ?
Dix personnes travaillent sur NOC depuis un an : quatre auteurs, un graphiste, des relecteurs… À cela se rajoutent une douzaine de playtesteurs (avant la sortie du kit d’introduction NOC qui aura valeur de beta-test ouvert), ainsi qu’un compositeur qui capte les sons de l’Artefact sur bobine.
En outre, quatre illustrateurs de talent mettent l’enfer NOCien en image : Johann Bodin (Magic l’Assemblée), William Bonhotal (Knight), le prodige Tarik Boussekine et Pascal Quidault (Conan).

NOC est-il un jeu one-shot, une gamme ouverte ou une gamme fermée ?
NOC est une gamme ouverte avec une trajectoire et une destination.
Nous souhaitons vraiment offrir aux joueurs et aux meneurs l’expérience que nous promettons dès le départ. Pour être clair : un final épique, glorieux ou tragique.

Pour cela, outre les suppléments de contexte ou techniques plus classiques, nous prévoyons quatre ouvrages dans lesquels nous développerons de nouvelles perspectives, des niveaux et des modes de jeux de plus en plus ambitieux, qui permettront de faire des citoyens du départ des acteurs de ce dénouement cosmique. Pour autant, NOC n’est pas une gamme fermée car, avant ce finish, et même après, l’univers sera étendu et ouvert. Il permettra de vivre (et de créer, si on se place du point de vue du MJ) une infinité d’aventures.

Passons à des questions d’ordre plus général, si tu le veux bien. Cette année, lors du FIJ, on a vu augmenter le nombre d’éditeurs dédiés au jeu de rôle, une tendance qui s’affirme depuis 2 ans. Comment expliquer le revival du jdr ?

Pour moi, ces questions relèvent de sujets différents. Globalement, ceux de l’offre et la demande.

La demande augmente parce que la société n’a jamais été aussi demandeuse de fantastique. Depuis le début des années 2000 et le triomphe du Seigneur des Anneaux, la fantasy est devenue plus que tolérable : elle est bankable. Le Trône de Fer, puis les plateformes comme Netflix, HBO et l’explosion des œuvres imaginaires mainstream sont à la fois une conséquence et une cause de ce développement. Des figures publiques s’affichent de plus en plus nombreuses comme rôlistes. C’est cool, c’est rassurant, ça donne envie d’y aller. Je vais même plus loin : la société est devenue à la fois plus ouverte et plus anxiogène. Quand on allume la télé et qu’on constate l’état du monde, on imagine difficilement un nouvel épisode « Dumas ». Il y a d’autres menaces aujourd’hui qu’un jeune avec son d20. On a besoin de se détendre. Bref, le jeu est rentré dans les mœurs et l’ombre qui planait sur le jdr me semble dissipée.En parallèle, le jeu de rôle a gagné en visibilité, notamment grâce à l’apparition d’outils de médiatisation souples et à large spectre (Youtube, les Actual Play, les réseaux sociaux…). Les gens qui ont des envies peuvent facilement découvrir le moyen de l’assouvir.
1+1 = 11, comme on dit.

De son côté, l’offre éditoriale se renforce pour deux raisons.
Le système du financement participatif a permis la transcendance du marché. Où il y avait jadis des jeux de rôle amateur, il y a aujourd’hui des crowdfunding. On peut tenter l’expérience pro sans avancer d’argent. La réceptivité du public transforme beaucoup d’essais. Bilan : de nouvelles boîtes, myriade de nouveaux projets, dont nous faisons partie.

Ensuite, l’offre se renforce parce qu’il y a de la demande. On reboucle avec le sujet du dessus, mais c’est la base de tout. Il y a de l’espace. De plus, les déboires et aléas rencontrés par quelques grands éditeurs ces dernières années ont créé un vide, dont la nature a horreur. En dehors de trois ou quatre grosses machines, l’horizon francophone est assez dégagé. Après l’incendie germent les graines.

Selon toi, y a-t-il une différence entre les joueurs de l’ancienne génération et les nouveaux ?

Je n’en ai pas l’impression. Vraiment. Au contraire, après une période très expérimentale autour des années 2010, je constate une grosse tendance au revival, au back to basics. On donjonne, on ressort les crocs, on run dans les ombres. Et c’est plutôt bien, car ce retour profite des avancées techniques et conceptuelles faites durant cette grande ère de bouillonnement. La nouvelle génération de joueurs, si tant est qu’elle existe, joue comme l’ancienne, avec des outils plus efficaces et dans une ambiance apaisée. Tant mieux. 

Quels sont vos projets ? Des jeux déjà en chantier ?
Concernant NOC : la campagne est en cours de rédaction, ainsi que deux jeux de plateau et un roman.
En parallèle, trois gammes sont dans les tuyaux. Mais une chose après l’autre.

Merci, Mikael, et à bientôt!

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

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Une réflexion sur “Rencontre avec… Mikael Cheyrias

  • Cette démarche d’intellectualiser le jeu de rôle, qui reste un Loisir je pense: très peu pour moi. 🙁

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