Ayant réalisé la traduction françaises des règles Volley & Bayonet: Road to Glory pour le compte des membres de mon association de jeu d’Histoire, je voudrais en profiter pour vous parler de cette règle grand tactique peu connu mais oh combien séduisante.

LES PRINCIPES

Volley & Bayonet, première du nom, est une règle « grand tactique » sortie à la fin des années 90 et qui permet à deux joueurs ou plus de reconstituer les grandes batailles de l’âge de la poudre (environ 1700 à 1890) en une après-midi au maximum. Même s’il existe quelques variantes permettant de jouer à une échelle plus petite (au bataillon, voire à la compagnie), V&B a pour objectif de placer chaque joueur à la tête d’un corps d’armée, ou d’une armée complète. Les unités de base sont la brigade d’infanterie et de cavalerie, et le bataillon d’artillerie. Ces unités sont soclées, en fonction des périodes, sur des bases de différentes tailles. Avant la période Napoléonienne, les unités d’infanterie, dites linéaires, sont des régiments représentées par des bases de 3 pouces sur 1,5 pouces (environ 7.5cm sur 3,5cm). A partir de la période Napoléonienne, les unités d’infanterie sont des brigades représentées par des bases carrées de 3 pouces de côté. La cavalerie est généralement représentée par des bases de 7.5cm sur 7.5cm. L’artillerie (quelle soit attelée ou dételée) est soclée sur des bases de 1.5 pouces sur 3 pouces. Quand aux tirailleurs d’infanterie, ils sont représentés par des socles de 1.5 pouces sur 1.5 pouces. L’échelle des figurines fixées sur ces bases n’a aucune importance, pas plus que le nombre, puisque chaque base possède un nombre de point de force qui représente son effectif (un point de force correspond à 500 hommes). Si vous souhaitez essayer cette règle, il n’est donc pas nécessaire de resocler vos figurines. Vous pouvez utiliser des sabots de la taille des bases V&B et y disposer vos socles de figurines dessus.

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Commandement, brigade d’infanterie et bataillon d’artillerie Guerre Civile Américaine

UN SYSTÈME SIMPLE ET INTUITIF

Le système de jeu obéit à un mécanisme semi-simultané très simple et intuitif. Quand vient son tour, un joueur exécute les phases suivantes :
– Détermination du commandement : le joueur en phase (désigné sous le terme d’Attaquant) identifie les unités qui sont dans le rayon de commandement de leur officier supérieur et celles qui ne le sont pas. Quand une unité n’est pas sous commandement, elle ne peut se diriger volontairement vers l’ennemi et subit des pénalités dans ses mouvements.
– Mouvement : l’Attaquant déplace toutes les unités non déroutées qu’il souhaite. C’est dans cette phase qu’il amène également ses unités au contact d’une unité ennemie (la charge).
– Ralliement : L’Attaquant rallie toutes les unités déroutées qui sont au contact de leur commandant de corps ou d’armée
– Tests de moral : Les deux joueurs (Attaquant et Défenseur) teste le moral des unités en contact avec une unité ennemie ou à courte portée de tir d’une unité ennemie.
– Combat : Tous les combats (Tirs et Mêlées) sont résolus dans l’ordre choisi par l’Attaquant. Ensuite, le Défenseur peut faire tirer toutes ses unités situés à courte portée de tir d’une unité ennemie et n’ayant participé à aucun combat.
– Fatigue : Les deux joueurs testent pour vérifier si une de leurs divisions (ou plus) ne deviennent pas fatiguées pour avoir subi des pertes. Ils testent aussi pour vérifier qu’une de leurs divisions fatiguées ne subit pas un écroulement du moral.

LA MÉCANIQUE

Cette mécanique de simulation, très facile à appréhender, voit toutes ses situations de combat et ses tests de moral résolus via des jets de D6. Dans le cadre d’un combat, qu’il soit au tir ou en mêlée, une unité possède un nombre de dés de combat qui dépend de son expérience et de son armement. Par exemple, une brigade d’infanterie normale de la guerre civile américaine possède 2D6 de combat au tir et 4D6 en mêlée. Ces chiffres peuvent varier suivant les situations, la plus fréquente étant une unité en état stationnaire (qui n’a pas bougé depuis un tour) qui voit ses capacités grandement augmentées (pour le cas précité, 3D6 au tir et 4D6 en mêlée). Chaque 6 obtenu sur le jet de dés amène une touche pouvant éventuellement être sauvegardée par la cible (si elle se trouve derrière un abri, par exemple). Toute touche non sauvegardée entraîne la perte d’un point de force. Une unité qui n’a plus de points de force est éliminée.
Le moral est une donnée très importante dans le jeu. Chaque unité, en plus de points de force, possède une valeur de moral. Une unité de la Jeune Garde Napoléonienne, par exemple, aura une valeur de Moral de 6, alors qu’une unité de jeunes bleus de l’armée Fédérale Américaine aura une valeur de Moral de 4. Très souvent, ces unités seront amenées à tester leur moral en jetant un D6 modifié par les circonstances. Au fil des parties, l’on se rend compte que le plus important dans Volley & Bayonet est la coordination des actions au sein du même corps. Une unité isolée se retrouve en effet très fragilisée car le soutien des autres unités amènent de nombreux bonus au Moral et protège même contre les attaques de flancs.
Une unité qui échoue à son test de moral (le score obtenu dépasse la valeur de moral modifié) devient désorganisée (et subit de nombreux malus au combat et au moral). Une unité désorganisée qui échoue à son test de moral déroute. Il est bien entendu possible de réorganiser une unité désorganisée (il suffit qu’elle se trouve à distance de commandement, qu’elle ne bouge pas et qu’elle ne soit sous une menace ennemie). Par contre, une unité déroutée ne peut être ralliée que si elle est contactée par son commandant de division, de corps ou d’armée, et dans ce cas, elle peut retourner au combat mais désorganisé de façon permanente (un autre raté au test de moral la fait à nouveau dérouter).

guerre civile anglaise

Régiments en soclage linéaire et batterie d’artillerie pour la variante Guerre Civile Anglaise

DEUX SIÈCLES DE CONFLITS

Volley & Bayonet permet de simuler aussi bien les batailles de la Guerre de Sept Ans comme celles de la Guerre Franco-Prussienne. Plus de deux siècles de conflits qui ont vu une grande évolution en matière d’armement et de tactique militaire. Volley & Bayonet n’étant pas à proprement parler une règle générique, elle varie donc quelque peu en fonction de la période jouée, mais la mécanique reste toujours la même. Parmi les différences notables, par exemple, comme je le précisais plus haut, on utilise des bases de tailles différentes pour les unités d’infanterie. Le socle linéaire préconisé dans les périodes pré-Napoléoniennes simule l’ordre en ligne. Plus rigide, plus fragile sur ses flancs, il est remplacé progressivement par les brigades en ordre dense, qui ont pour principal avantage de sécuriser lui-même ses flancs de par la disposition de ses sous-unités (les régiments dans le cadre d’une brigade d’infanterie). Enfin, le système tient compte des améliorations dans l’armement. Mousquets rayés, fusil Chassepot et canons Krupp sont bien entendus nettement plus meurtriers que les vieux Brown Bess et les canons Gribeauval. Des différences qui changent radicalement la façon de jouer, les charges devenant par exemple nettement plus difficiles à amener à leur terme au fur et à mesure que les défenseurs s’arment de fusils modernes.

VOLLEY AND BAYONET : ROAD TO GLORY

Malgré toutes ces qualités, la première édition de V&B n’était pas exempt de quelques défauts. Des petites faiblesses qui ont amené les auteurs à sortir en 2008 une nouvelle version baptisée Volley & Bayonet: Road to Glory. Le plus grand changement concerne la gestion des troupes légères, comme les tirailleurs et la cavalerie légère. Les joueurs reprochaient principalement à la règle de mal mettre en évidence l’évolution dans leur utilisation. Dans la règle originale, les tirailleurs étaient représentés uniquement par des unités détachées, agissant de manière autonome, à la manière des Enfants Perdus. La cavalerie légère, elle, se différenciait de la cavalerie normale que par une capacité de mouvement plus élevée et une plus faible puissance de combat. Si ces choix ne sont pas idiots durant l’Age des lumières, ils deviennent illogique dés la fin du 18ème siècle. Avec Road to Glory, cet oubli est corrigé ! Désormais, si la liste d’armée le permet, une unité d’infanterie peut détacher des groupes de tirailleurs pour en faire des groupes indépendants, ou les placer au-devant des troupes formées. Les unités d’infanterie légère et de cavalerie légère peuvent se disperser totalement en tirailleurs, et se reformer à volonté au prix d’un changement de formation. Bref, une modification qui donne encore plus de réalisme au jeu, sans pour autant le rendre plus complexe.

Il est dommage, cependant, que cette version 2 n’affine pas plus la règle de commandement. Là encore, il n’y a aucune différence entre les différents généraux. Tous affichent le même degré de compétence et une étonnante infaillibilité. Je continue donc d’utiliser ma petite variante personnelle qui donne plus de personnalités aux stratèges de l’age de la poudre (vous pouvez la trouver sur le site que je consacre à la règle)

DES BATAILLES, TOUJOURS DES BATAILLES

La première version proposait de nombreux scénarios historiques sur différentes périodes ; deux pour la Guerre de Sept Ans, deux pour la période Napoléonienne, deux pour la Guerre Civile Américaine et une pour la Guerre Franco-Prussienne. En plus d’une gamme de suppléments fournissant des théâtres d’opérations et des batailles supplémentaires (assez difficiles à trouver aujourd’hui). Pour cette nouvelle édition, Frank Chadwick a décidé de se concentrer principalement sur la période Napoléonienne avec pas moins de… huit batailles historiques (La Trébie, Marengo, Austerlitz, Auerstaedt, Eylau, Talavera, Dennewitz, Quatre Bras. Notons toutefois que depuis la sortie de Volley & Bayonet: Road To Glory, deux suppléments sur la guerre de Sept Ans ont vu le jour (pour un total de 18 batailles historiques).
Autre nouveauté, un éditeur de batailles. Si V&B est une règle principalement destinée à reconstituer des batailles historiques, les auteurs ont pensé qu’il manquait un système de création de scénarios fictifs. Road To Glory est donc un petit système de génération aléatoire basé sur un deck de cartes de déploiement. Ces cartes indiquent à la fois les emplacements des ailes (ou des corps d’armée pour les périodes plus tardives) et leur ordre d’apparition sur le plateau de jeu. Ces cartes gèrent même les leurres et prend en considération d’éventuelles erreurs de reconnaissance. Très pratique pour jouer une partie sur le pouce ! Evidemment, pas de scénarios fictifs sans listes d’armée. Cette nouvelle édition fournit donc les listes d’armée pour les principales nations ayant participé aux Guerres Napoléoniennes.

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Si vous aimez les règles grand tactique, si vous préférez la reconstituions de batailles historiques aux compétitions sur scénarios fictifs, et si vous appréciez la période de l’âge de la poudre noire, je ne peux que vous conseillez chaudement cette excellente règle, très accessible et vraiment très fun. La première édition est quasiment introuvable (cependant, je la possède et peux vous en faire une copie) tous comme ses suppléments. Par contre, il n’est pas très difficile de se procurer cette nouvelle édition et ses deux premiers suppléments sur la Guerre de Sept Ans, et elle dispose désormais d’une traduction en français, réalisé par votre serviteur.

LA FICHE TECHNIQUE

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VOLLEY & BAYONET: ROAD TO GLORY


Rédaction: Frank Chadwick et Greg Novak
Traduction: Nicolas Lamberti
Matériel: livre de 129 pages format A4 noir et blanc, couverture souple couleurs
Editeur: TOP Games
Prix indicatif: 29£90 sur Caliver Books

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

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Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

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