Après une quinzaine d’années d’existence outre-Atlantique, Démon : la damnation arrive chez nous dans la langue de Molière. Une initiative de localisation de Studio Agate, qui propose déjà dans son catalogue Vampire, le requiem, autre jeu de la gamme Chroniques des Ténèbres. Mais, attention, Démon : la damnation vous emmène bien loin des univers horrifiques de Vampire : le requiem, Vampire : la damnation ou Loup-garou : les déchus. En effet, Démon : la damnation se présent comme « un jeu de rôle techgnostique ». On y incarne des « anges » renégats tombés en disgrâce et condamnés sur Terre à la clandestinité.
Le livre de base, à la cosmétique sombre, contient tout le nécessaire pour jouer, et faire jouer. On y trouve une description de l’univers, des complètements aux règles Chroniques des Ténèbres, le système de création de personnages et d’antagonistes, de nouveaux Atouts, ainsi qu’un scénario d’introduction. En tout, un livre de 410 pages fort d’un contenu dense, avec de nombreux tableaux et des illustrations.
L’Ange déchu, le personnage-joueur, endosse le statut de Déchaîné. Il se voit en effet libéré de son lien avec un étrange concept qu’est la Machine-Dieu. A sa création, le Déchaîné se voit attribuer un Dessein, une énigme existentielle, un horizon personnel et spirituel. Cette figure du Déchaîné propose au joueur une relation nouvelle sur les concepts de liberté et d’humanité, le tout enrobé dans un univers fait d’un condensé d’espionnage et d’actions. Cette fameuse énigme s’articule autour d’une combinaison d’encodages (des pouvoirs mineurs propres aux démons qui leur permet de modifier la réalité) et d’objectifs dédiés. Cet infra-système, qui se voit intégré à l’expérience de jeu et qui est spécifique à chaque personnage, offre aux joueurs des objectifs inédits focalisés sur la progression personnelle et l’accomplissement de son personnage.
Le livre inclut 8 archétypes d’incarnations, qui sont autant de guides à la création. Chaque incarnation est définie par des stéréotypes (ces aprioris par rapport aux autres incarnations, aux humains et autres habitants du Monde des Ténèbres), son état d’esprit et son appréhension du monde. Par exemple, les Inquisiteurs sont des agents de renseignements un brin paranoïaques, du moins très suspicieux ; les Intégrateurs voudraient bien retrouver leur ancien statut d’Ange ; les Tentateurs sont des hédonistes profitant des avantages de leur enveloppe charnelle. Bref, il y en a pour tous les goûts.
« Mieux vaut régner en Enfer que d’être un autre rouage dans la Machine-Dieu »
Les démons incarnés sont bien différents des autres habitants des Chroniques des Ténèbres. Ici, vous jouez un fugitif, voire un résistant. Le Déchaîné, caché dans une enveloppe humaine, doit lutter pour sa survie. Il doit rivaliser d’inventivité pour tromper les Anges, les agents de la Machine-Dieu, et concilier sa nouvelle existence humaine avec ses pouvoirs hérités de son ancien statut dont il a oublié la structure lors de sa chute. Les démons devront principalement leur survie à leur capacité d’adaptation, en créant leurs propres outils de transgression. En termes de règles, cela se traduit par une myriade de Talents, d’Objets et de Pouvoirs, tous décrits en détails, avec force d’exemples.
Démon : la damnation ne laisse rien dans le vague. Tout le nécessaire pour appréhender votre nouvelle existence en tant que démon est exposé dans ce livre. Des circonstances de votre Chute jusqu’à la déchéance en passant par l’élaboration de votre couverture, la formation d’agences (des groupes de démons partageant la même lutte) et de cercles démoniaques. Des précisions sont apportées pour bien comprendre les réalités et les impératifs propre à la « vie » des Déchaînés. Mais, attention, car cette liberté a un prix et la Machine-Dieu a lancé ses meilleurs limiers à vos trousses. Créatures cryptides (des animaux mutés sous l’influence de la Machine-Dieu) et Exilés (aberrations démoniaques et Anges)… Les dangers ne manqueront pas ! Sans compter que vous pourrez y rencontrer d’autres habitants du Monde des Ténèbres, pas toujours chaleureux.
Il s’agit littéralement d’une machine qui englobe le monde et qui s’y immisce discrètement. Certains démons soupçonne d’ailleurs que le Monde des Ténèbres puisse être la Machine-Dieu elle-même tandis que d’autres pensent qu’il s’agit d’une création de l’univers servant ses propres intérêts en place de son but initial. Donc, la Machine-Dieu est bien une machinerie physique faite de métal, d’huile et de verre. Ses rouages tournent cachés des regards humains, dissimulés dans des espaces entre les étages des buildings ou cachés dans des ruches d’acier. Parfois, suite à un disfonctionnement, ces rouages peuvent surgir dans la trame visible du monde, à la manière d’une fracture ouverte. Un humain qui serait témoin du spectacle n’en sortirait pas indemne.
C’est la Machine-Dieu qui encode les Anges, ses agents, qui ne connaissent leurs missions qu’une fois arrivés sur Terre. Son objectif principal est que le Monde des Ténèbres reste ce qu’il est : un lieu d’obscurité et de secrets. Pour cela, elle s’appuie sur la main d’œuvre d’une humanité inconsciente et la présence d’Infrastructures. Ces dernières ont cependant une faiblesse, un point faible que les démons appellent le pilier, sans lequel toute l’Infrastructure s’effondrerait.
Démon : la damnation est motorisé par le système propre à tous les jeux de la série Chroniques des Ténèbres. Si vous ne connaissez pas ce « Storytelling System » sachez qu’il utilise principalement des dés à dix faces. Pour effectuer une action, on lance un nombre de D10 équivalent à l’addition entre l’Attribut et la Compétence impliqués. Un personnage est défini par 9 Attributs physiques et mentaux et un grand nombre de Compétences. Tous ont des valeurs comprises entre 1 et 5 (et oui, en théorie, vous allez pouvoir lancer 10d10 !). Chaque score obtenu de 8, 9 ou 10 est considéré comme un succès. Généralement, il suffit d’un succès pour réussir l’action mais chaque succès supplémentaire améliore l’exécution de l’action (et applique des dégâts supplémentaires en combat). Evidemment, des malus et des bonus peuvent être appliqués sur la résolution de l’action, ce qui se traduit généralement par des obligations de succès supplémentaires. Les jets sont explosifs, si vous obtenez un 10, vous relancez le dé, ce qui peut vous amener des succès supplémentaires. Sur un score de 1, par contre, vous déclenchez un échec critique. Un personnage possède également des Atouts, notés également de 1 à 5 qui peuvent éventuellement s’ajouter au test comme modificateurs.
Démon : la damnation est un jeu qui se démarque des autres jeux de la série Chroniques des Ténèbres. L’on est devant un jeu très sombre, un aspect propre aux produits White Wolf, certes, mais exploitant un univers techno-gnostique atypique et très original. L’on est plongé dans un environnement qui évoque à la fois Matrix, Dogma et Dark City, avec des personnages qui ne sont plus des individus dominants mais des fugitifs très puissants devant cependant restés discrets. L’univers de jeu est très riche en éléments métaphysiques et technologiques, les défis proposés sont difficiles et chaque joueur va devoir se pencher sur le développement personnel de son avatar Déchainé. Autant d’éléments à maitriser qui font de Démon : la damnation un jeu de rôle plutôt destinés aux joueurs et meneurs expérimentés qui veulent prendre la peine de s’investir. Mais, si c’est le cas, il est sûr que le jeu en vaut la chandelle !
J’ADORE
Création et rédaction : David Brookshaw, N. Conte, Danielle Harper, Susann Hessen, David A. Hill Jr, Alec Humphrey, Chris Leland
Graphisme : Mike Chaney
Illustration de couverture : Carlos Samuel Araya
Illustrations : Carlos Samuel Araya, Chris Bivins, Mike Chaney, Vince Locke, Mauro Mussi, Borja Puig Linares, Alida Saxon, Andrew M. Trabbold, Cathy Wilkins
Traduction : Florian Cangelosi
Édition: Studio Agate
Matériel: livre de 412 pages N&B à couverture rigide
Prix: 60,00€