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Dragons, le jeu de rôle: regards critiques sur une tétralogie

Il y a peu, j’ai rédigé un article sur Donjons & Dragons 5ème édition qui, pour certains, a dû paraître très salé car j’y ai beaucoup pointé les défauts du moteur. Cependant, et cela peut surprendre, je suis dans une hype liée à D&D5. En fait, ce n’est pas grâce à D&D5 lui-même mais à tous les jeux qui gravitent autour. Et parmi eux, il y a Dragons, de Studio Agate, également connu outre-Atlantique sous le nom de Fateforge (un titre qui claque et qui est en cohérence avec l’univers). Je pense sincèrement que si vous aviez trois clones de D&D5 chez vous, Dragons serait le plus réussi. Il a même remporté un petit succès d’estime outre-Atlantique, et c’est bien mérité. Voyons-voir pourquoi.

Retard et Sublimation

La gamme Dragons est d’abord sortie livre après livre et a souffert, à ses débuts, d’une réputation plutôt mauvaise. Avec le premier (Aventuriers), pas d’univers, livre de sort séparé du reste des règles (et on le verra il y a une très bonne raison à cela), pas de bestiaire… En l’état, Dragons n’était pas en jouable. Puis, par étapes, les autres livres sont sortis et une cohérence, voire une cohésion sembla se profiler. Jusqu’à la mise à disposition de la tétralogie qui mettra tout le monde d’accord. Dans le bon sens.

Tout d’abord, il faut dire que Dragons est magnifique. On a affaire à une vraie œuvre d’art qui se révèle pleine de surprise. Un peu comme l’Empire des cerisiers, par exemple. Et je ne parle que de la tétralogie de base, car la version collector est encore plus belle. On ne va pas se mentir, un livre de jeu de rôle qui fait envie par son esthétique fera toujours plus envie qu’un livre qui a un design plus générique. Cette tétralogie est l’exemple même de « comment vendre un jeu de rôle ».

En effet, si, d’une part, 200€ est une somme conséquente, il ne faut pas oublier que l’on dispose de QUATRE livres, l’écran, des scénarios et des cartes. Le tout très bien conçu. A côté de cela, il existe toujours le paiement en quatre fois sans frais, qui peut soulager les budgets. Et enfin, les quatre livres sont disponibles en “payez ce que vous voulez” sur Drivethrurpg (le Steam du jeu de rôle).

Je ne possède pas la version physique de la tétralogie. Je l’ai eu en main via un ami. Force est dire que lorsqu’on ouvre la boîte, le sentiment de satisfaction est conséquent. Evidemment, je n’ai pas lu les scénarios pour ne pas gâcher la surprise mais j’ai jeté un œil au reste, que j’ai lu en PDF (pour ne pas risquer d’abîmer le matériel de mon ami). Que ce soit sur le plan purement financier, visuel ou même par la qualité et la richesse de ses textes, Dragons est généreux.

Les Aventuriers d’Eana

Dragons a choisi de se différencier de plusieurs manières de D&D5, de Héros et Dragons et d’autres clones par plusieurs décisions majeures. En premier lieu, le choix de combiner le côté technique et l’univers. Cela se traduit notamment par le très grand nombre d’espèces jouables, y compris certaines considérées comme “monstrueuses” dans D&D5, avec une présence plus importante des drakéides. De même, les nains et elfes ont des noms typiques même si l’on peut converser la désignation “demi-elfe” par exemple. De même, lors de la création de votre personnage, vous pouvez choisir son origine qui traduit son lieu de naissance. Certes le monde d’Eana est décrit plus en détail dans l’Encyclopédie, mais Aventuriers présente plus de contenu sur le monde d’Eana que le fait le Manuel des Joueurs de D&D5 avec les Royaumes Oubliés.

Ce jeu de rôle se distingue également par le fait de mettre  – et je ne comprends pas pourquoi les américains ne procèdent pas ainsi car cela me semble logique – de proposer de lire l’historique AVANT de choisir la classe de combat. De plus, il est expliqué comment créer un historique tout en en ayant des personnages prêts à l’emploi.

Pour ce qui est des classes, là encore, certains archétypes ont été revus. D’autres ont conservés leurs propriétés exposées dans le Manuel des Joueurs de D&D5. Pour ma part, j’ai beaucoup aimé, par exemple, l’amélioration du rôdeur qui a, de facto, son compagnon animal au niveau 3 (au lieu de devoir prendre un archétype pour cela), son pouvoir d’ennemi juré est plus fort et plus de sorts lui sont accessibles (voir la partie suivante sur le grimoire).

Bien entendu, quitte à s’approprier et à améliorer D&D5, le Studio Agate a créé une classe propre à Dragons (assez proche que celles que l’on peut trouver dans Aventures à Rokugan et Historia) : le Lettré. Cette classe est fort intéressante car elle possède beaucoup de compétences, de bons jets de sauvegarde et servira autant hors combat qu’en combat. Je trouve cela vraiment formidable qu’en créant ou en remaniant certaines classes, les studios ou les personnes qui s’approprient le cœur de D&D5 parviennent à les rendre plus utiles, donc attractives.

Le jeu se permet également la création de “modules” qui permettent de rendre le jeu plus ou moins héroïque, plus ou moins rude, de se focaliser sur la magie ou le mystère.

Avec Aventuriers, le constat est donc déjà prometteur. C’est beau, bien écrit, mieux expliqué et ajusté tout en ayant sa propre personnalité et son style artistique. Une très belle (c’est le cas de le dire) entrée en matière.

Le Grimoire des Aventuriers

C’est avec cet ouvrage que Dragons va vraiment se différencier de ses concurrents. Là ou dans D&D5, Rôle’N Play et Héros et Dragons ne proposent qu’un simple liste de sorts, Dragons consacre un volume entier à la pratique de la la magie. Quand je vous disais que Dragons est un jeu qui développe et entretient l’aspect high fantasy de D&D! De plus cet ouvrage est celui qui profite le plus du système modulaire de Dragons. La magie dans l’univers d’Eana est un élément extrêmement important. Votre personnage peut être un magicien mais débutant sans aucune pratique et il devra consacrer du temps à s’éveiller celle-ci.

Eana entretient une magie que l’on appelle Géomagie. C’est une magie qui, en fonction des lieux, aura des effets différents. Votre magie étant vivante, elle réagit selon les environnements, c’est une section assez développée et intéressante qui peut donner lieu à de très bonnes idées telles qu’évidemment des bonus ou malus selon l’environnement mais bien plus encore!

On a également les modules de la corruption et de la folie. Si je ne suis pas fan de la folie (on est dans un jeu héroïque et non dans l’Appel de Cthulhu), je trouve l’idée de la Corruption liée au Chancre plutôt bonne. Les modules autour de ce dernier permettent d’accroître soit le côté très héroïque de Dragons, soit permettent de lui donner un côté sombre. Ce n’est pas aussi punitif que la corruption du chaos dans Warhammer Fantasy Role-Play. Le Chancre est un adversaire et une affliction et au regard de la destinée des personnages, ils peuvent lui faire face. Ainsi, on trouve dans le livre un module lié au mystère du Chancre, un autre lié aux intrigues, etc. Jouer sans le Chancre (qui finit par apparaître) à Dragons dans l’univers d’Eana est selon moi la perte d’un précieux intérêt.

Vient enfin deux grandes parties techniques qui sont, là encore, supérieures à celles de D&D5. La première concerne le processus de lancement des sorts ; notamment sa flexibilité. En effet, dans D&D5, pour modifier un sort, il faut forcément les pouvoirs de métamagie, que ne possède que l’Ensorceleur. Le Magicien ne peut donc pas modifier les paramètres de sa magie et je ne parle même pas des lanceurs de sorts divins. Dragons corrige cette énorme erreur et ajoute d’autres éléments, en proposant des règles qui tombent sous le sens. A côté de cela, ceux qui craignent de voir la magie devenir trop puissante ou polyvalente se voient proposer d’autres options modérant son impact.

Enfin, comme c’est le cas avec la concurrence, il y a des listes de sorts. Mais elles sont ici bien plus riches, avec des sorts inédits dont certains sont vraiment chouettes (ex: Arme irréductible qui stabilise vos dégâts d’arme, un sort très utile pour n’importe quelle classe de combat qui a accès à la magie).

Le Grimoire est au final un ouvrage vraiment réussi qui mérite son existence et qui se révèle bien plus simple à l’usage que les listes de sorts qui peuvent être trouvés dans les livres des joueurs.

Les Créatures d’Eana

Nous arrivons à ce que je pourrais considérer comme étant le livre le plus faible de la tétralogie : le bestiaire. Non pas qu’il soit mauvais mais, malheureusement, améliorer quelque chose de bancal et qui ne fonctionne pas bien ne peut pas tout sauver. Ainsi, on a toujours ce facteur de puissance (vraie traduction du “Challenge Rating”) qui ne reflète pas le véritable niveau de la créature. Beaucoup de créatures manquent de compétences, certaines peuvent être trompées.

Mais en dehors de ce problème inhérent, le reste du bestiaire de Dragons transpire l’ergonomie et la générosité. Par exemple, le parti pris ce créer le sommaire en fonction des environnements. Ce choix apparaît comme judicieux on a y trouve les PNJs et espèces que l’on va croiser dans ces environnements. De plus, Créatures propose des espèces jouables en plus d’avoir la possibilité de customiser de nombreuses créatures en fonction de leur second “type” comme par exemple Squelette, Vampire. L’une des spécificités qui fait, à mon sens, cruellement défaut à D&D5 est le type “Némésis” qui permet de transformer un PNJ en boss. Vraiment agréable.

Ce volume inclut aussi évidemment les pièges et les périls tels que les avalanches, tsunamis, etc. Une bonne initiative qui fait clairement écho au côté “exploration” de Pathfinder.

Cet ouvrage n’est donc clairement pas le meilleur car il est construit sur le système mal foutu créé par Wizards of the Coast. En revanche, il est indéniable que l’on y voit le travail d’Agate qui, lui, est bon.

L’Encylopédie du monde

L’Encyclopédie est également une chose qui permet de distinguer Dragons de D&D5. Celle-ci expose surtout les régions du nord d’Eana et cette limitation est vraiment le seul point faible du livre. Ce volume combine un peu de technique, beaucoup de background et quelques outils supplémentaires.

Dans un premier temps, on s’intéresse à la Cité Franche, une grande ville, qui peut être un cadre de campagne tant elle est développée. On y trouve en effet son historique, les factions et forces en présence, avec une description de la ville quartier par quartier. On a également une section sur les objets merveilleux et les poisons.

Puis on nous parle du grand nord avec son histoire, sa relation avec le panthéon d’Eana. On retrouve, encore une fois, les merveilles de la région.

C’est suivi par la description du grand Khan, une région importante car c’est de celle-ci que sont issues les espèces “monstrueuses” jouables (comme les gobelins, gobelours, etc). Encore une fois, on a dans un premier temps son histoire, sa culture et enfin ses merveilles.

On termine avec une petite annexe qui permettra de concevoir ses propres merveilles et objets magiques. Un exemple de bel ouvrage donc, qui se combine merveilleusement bien avec les autres.

Ecran, scénarios et accessoires

Nous en venons donc au reste de la tétralogie. L’écran est évidemment très beau et présente la liste des compétences, une chose que je considère essentielle dans un jeu… à compétences. Les guides du joueur et de la magie sont toujours utiles. Les cartes, fruits du travail d’Olivier Sanfilippo, sont, comme d’habitude avec ce maître-cartographe, exemplaires et ridiculisent celle de la Côte des épées des Royaumes Oubliés. Enfin les scénarios sont variés et d’après les retours des youtubeurs de jeu de rôle, ils sont plutôt bons. On a donc affaire de très bons accessoires.

Conclusion

J’ai pu voir sur les réseaux sociaux de très nombreux retours, très acides, concernant ma critique de D&D5. Tout cela nécessite, je pense, un peu de recul. D&D5 est coûteux et à ceux qui me reprochent de “conseiller” la tétralogie Dragons à 200€ en me disant que le triptyque de D&D5 est à 150€, il ne faut pas qu’ils oublient que c’est sans écran, sans scénarios, sans univers. Dragons,s’il ne révolutionne rien, améliore de nombreux points et y apporte un univers, des scénarios, de nouveaux sorts (et en permettant à n’importe quel utilisateur de magie de pouvoir moduler ses sorts).

Son système modulaire est également plus clair. Les livres et les cartes sont bien plus réussis, tant dans la forme que dans le fond. Alors, ce n’est pas parfait et je conçois que beaucoup de gens se sont sentis un peu arnaqués car les livres ont, individuellement, mis beaucoup de temps à sortir les uns après les autres mais Agate n’est PAS Wizards of the Coast. L’effectif et les moyens ne sont pas les mêmes. De plus, je base cette critique sur le coffret de la tétralogie et, là, force est de dire qu’il écrase la concurrence.

Alors oui, je suis partial. J’ai bien précisé que les articles que je rédige sont le fait d’un “amateur passionné”, tout comme toute critique exprimée par un youtubeur. Je ne fais pas ça pour la thune. J’écris ces articles parce que j’en ai le temps, l’envie et que je pense que cela peut éventuellement intéresser des gens. Je ne suis pas sponsorisé par qui ou quoi que ce soit… Et oui, je suis acide envers D&D5 même si je m’en sers parce que quand je vois le travail fait sur Dragons, sur Aventures à Rokugan, sur Historia, sur Star Wars 5E (entièrement fanmade), sur Aventures en Terres du Milieu… Je trouve que le travail de base effectué sur D&D5 est léger, voire décevant.

Donc, est-ce que je recommande Dragons? La réponse est évidente : oui. Si vous n’avez pas la place ou les moyens de prendre le coffret, prenez les PDFs sur Drivethrurpg, ils sont en payez-ce-que-vous-voulez. Si vous avez plus de moyens, vous pouvez acheter le coffret qui vous le rendra bien et il existe toujours le paiement en quatre fois sans frais. Et si jamais vous êtes “bien” avec D&D5, je vous conseille le Grimoire qui apporte tellement plus aux utilisateurs de magie.

avis

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