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Geist: the Sin-Eaters 2e édition: la critique

« Les morts sont avec nous. Ils marchent à nos côtés dans les rues, tendant leurs mains invisibles, criant à l’aide avec des voix que nous n’entendons même pas.
Nous nous détournons de leur pensée, marmonnant des platitudes comme “Il est dans un meilleur monde” ou “elle est partie en paix”. Il ne l’est pas. Et elle non plus. 
Il est ici, essayant désespérément de s’assurer que ses enfants soient pris en charge. Elle est piégée dans un labyrinthe de pierre grise, s’enfonçant lentement dans le néant, tandis que l’homme qui a volé les recherches de sa vie reste impuni.
Ainsi, lorsqu’un étranger souriant, aux yeux pâles portant un ange aux ailes brisées sur l’épaule arrive en ville. Ils lui demandent de l’aide…

Dans Geist, the Sin-Eaters, vous jouez quelqu’un qui est passé par la mort. Arraché à ce monde avant que votre heure ne soit venue, vous auriez dû mourir, vous auriez dû vous abandonner au baiser glacial de la mort et lâcher prise. Mais ce ne fut pas le cas. Car vous avez passé un marché avec quelque chose. Une chose qui vous attendait de l’autre côté. Une chose étrange et distordue, à la fois moins et bien plus connue qu’une ombre commune…
Sa proposition était simple : retournez dans le monde des mortels, et emmenez-moi avec vous. Vous avez accepté.

A présent, vous voyez les morts. Leurs souffrances. À quel point ils sont ignorés par les vivants, exploités par de sombres nécromanciens, dévorés par des créatures surnaturelles affamées. Et ce qui les attend sous la terre… Mais là où il y a la mort, il y a de l’espoir. Vous, accompagnés des personnes ayant la même philosophie, prenez position. Armés de foi, d’optimisme et des clefs de la Mort elle-même. Vous serez la lumière dans l’obscurité, le gardien des cimetières, le porte-parole de ceux qui ne sont pas entendus. Les morts parlent. Il est temps d’écouter. »

Fichtre! Cette accroche du trailer du kickstarter de la seconde édition de Geist, the Sin-Eaters, digne de celle d’un film, me donne toujours autant de frissons. Aimant déjà ce que propose les Chroniques des Ténèbres (à savoir ce ton à la fois sombre mais pas désespéré ; la place tenue par les personnages joueurs, sans parler des mécaniques modernes), ainsi que la saga Persona où les personnages possèdent des esprits reflétant leur vraie personnalité sous la forme d’un fantôme/stand/invocation psychique, il est sûr que Geist avait tout pour me plaire. A présent je peux dire que c’est un véritable joyau. Non pas un diamant brut qui nécessite du polissage, mais bien un bijou de cet univers parallèle et parfois complètement snobé ou oublié des Chroniques des Ténèbres.

“Promise”

“La Mort n’est que le commencement..” On pourrait définir le pitch de Geist, the Sin-Eaters par cette fameuse phrase tiré du jeu de rôle Kult. Figurant parmi les plus jeunes des Chroniques des Ténèbres, Geist se pose comme le reflet positif de Wraith The Oblivion (ou Wraith Le Néant pour les francophones). On pourrait d’ailleurs traduire le terme “sin-eater” par psychopompe vu que vous êtes accompagné par un fantôme supérieur et que vous aidez les défunts. Mais là où Wraith adopte un ton extrêmement noir dans un Monde des Ténèbres désespéré, Geist est un jeu résolument optimiste. Sans être aussi lumineux que la série “Ghost Whisperer”, on peut sans aucun souci considérer que Geist est l’équivalent made in White Wolf/Onyx Path de cette série fort sympathique (même si la quatrième saison n’est guère brillante). Mélinda Gordon est clairement une psychopompe, un personnage que l’on pourrait jouer dans Geist. Mais si elle est gentille, superbe et pas taillée pour le combat. À l’inverse un psychopompe de Geist développe des pouvoirs terrifiants, capables de mettre à mal les autres créatures surnaturelles. Tant et si bien que certains qualifient même le jeu de Ghost Rider 2.0 !

“One more soul to call”

Imaginez. Vous voyez votre corps. Juste là. Sous vos yeux! Les gens sont sous le choc et appellent vainement les secours. Mais il est trop tard… Vous êtes mort. Frustré de ne pas avoir achevé quelque chose dans votre vie…Peut-être est-ce ce bel homme ou cette belle femme lorsque vous avez hésité de lui parler alors qu’il/elle vous plaisait. Peut-être est-ce vos parents ou votre meilleur ami avec qui vous vous êtes disputés et que vous auriez voulu recoller les morceaux car vous avez dit quelque chose de cruel que vous ne pensiez pas. Peut-être était-ce ce connard de patron qui ne vous a pas assez payé et avec qui vous aviez des comptes à régler. Mais il est trop tard. Alors que vous essayez de parler vainement aux gens, voire à vos proches, vous êtes happé dans le monde des morts. Un monde cruel qui cherche à vous dévorer. Par chance, il y a cette étrange créature distordue, à la voix aussi envoûtante qu’effrayante. Impossible de définir sa nature. Certaines formes suggèrent que c’est une créature de genre féminin. Elle se rapproche de vous et, après quelques mots échangés, vous propose de revenir dans le monde des mortels car vous avez tous les deux des affaires en souffrance. Le pacte est scellé. Vous marchez à présent main dans la main en tant que partenaires. Vous êtes un “Sin-eater”, un puissant psychopompe et elle un “Geist”, un fantôme supérieur.

Alors que vous émergez de votre tombe, vous découvrez l’horrible vérité que subissent les morts. Personne ne les remarque. Ils voient leurs proches pleurer, souffrir, accomplir des actes irraisonnés comme des tentatives de suicide. Certains voient la trahison. Pire encore, avec le temps, vous découvrez que d’autres personnes comme vous les exploitent comme esclaves voire même, comme carburant. Les Loups-garous les éclatent par instinct bestial et territorial, les Vampires les dévorent pour acquérir du pouvoir. Les Mages les transforment en énergie et je ne parle pas des horreurs comme les Bêtes primordiales qui peuvent détruire leur esprit à la manière de Freddy Krueger…

Mais ils ont du bol, car vous êtes là. Vous avez une seconde chance grâce à votre Geist, tout comme ce dernier. Et cela grâce à vous. Peut-être serait-t-il temps d’en faire profiter les autres et d’aider ces âmes errantes, brisées, tristes et parfois, ne comprenant même pas ce qui leur arrive. Cette transition est importante car Mathieu de Rôliste TV dit toujours que le Monde des Ténèbres (et c’est aussi valide pour les Chroniques des Ténèbres) est très lié aux émotions. C’est le cas pour Vampire où la Bête peut vous pousser à faire des horreurs. Tout comme pour Loup-Garou où l’on se bat, malgré le fait de savoir que l’on ne peut gagner. En fait, c’est le cas de TOUS les jeux des Ténèbres. A part peut-être Beast the Primordials qui, selon énormément d’avis, semble au mieux raté et au pire, malsain. Wraith et Geist ne font pas exceptions, les émotions sont au cœur du jeu, de son univers et même dans ses mécaniques (plus encore dans Geist que Wraith). Si vous voulez avoir un aperçu de Geist, sachez que les premiers épisodes de Ghost Whisperer sont parfaits. Ajoutez à cela l’optimisme intrinsèque de Geist, tant de par son univers que pour la seconde chance dont dispose votre duo et vous avez un jeu qui jongle avec le spectre des émotions large comme aucun autre. Il ne me serait pas étonnant de voir des joueurs sensibles pleurer de tristesse, de haine, de joie lors d’une partie ou campagne de Geist. Et personnellement, je pense que l’effet cathartique du jeu est clairement voulu. Certains épisodes de Ghost Whisperer m’ont fait chialer mais je les ai quand même adorés, je ne vois pas pourquoi Geist serait différent alors qu’il aborde les mêmes thèmes. Surtout que si jouer un “méchant” pose problème, Geist insinue quand même que l’on joue des gens biens (même si on peut joueur des connards évidemment) qui apportent la lumière dans l’obscurité de la mort…Et cela se traduit même dans les mécaniques.

“I want love”

On va parler rapidement de la création de personnage (hormis les pouvoirs, que je développerai plus loin) et du système de jeu (même chose). Dans Geist, le processus de création des personnages se découpe en plusieurs étapes. Premièrement, comme pour Vampire le Requiem ou tout autre jeu des Chroniques des Ténèbres, il faut réfléchir au concept de son personnage. Ici comme psychopompe justicier s’inspirant du Ghost Rider ou un archétype de Mélinda Gordon qui aidera les âmes en peine. Vous pouvez aussi incarner, par exemple, quelqu’un qui était en pleine ascension mais malchanceux ou encore un personnage comme celui joué par Patrick Schwayze dans Ghost.

Ensuite, il faudra répartir vos points d’attributs et de compétences. Cela n’a rien de bien compliqué. Ajoutez à cela trois spécialités et surtout, les “merits” qui sont des historiques et traits particuliers (en vrac: “striking look” pour ajouter des bonus de social, “area of expertise” pour booster vos spécialités, “safe house” qui est un refuge, “ressources” pour la thune et les biens matériels etc). Pour les spécificités des psychopompes, geists et “krewes” (assemblée mortuaires), on verra ça un peu plus tard.

Le système de jeu est fort simple, c’est le même que celui de Vampire le Requiem. On réunit autant de dés que la somme des valeurs de caractéristique et compétence (plus éventuels bonus), on les lance, et on espère faire des 8+. Les 10 obtenus se relancent. Un succès suffit pour réussir. Cinq réussites ou plus (ou alors cinq de plus que l’opposition) est une réussite critique. Aucun 8+ est un simple échec. En cas de 0 dé à lancer, vous ne lancez qu’un “dé de chance” qui donne un échec critique en cas de 1 et une réussite normale en cas de 8+, et qui se relance aussi en cas de 10.

Pour le combat, l’initiative dépend des armes utilisées (les armes naturelles et légères sont favorisées pour la vitesse, les armes lourdes pour les dégâts), la défense se retranche au total de dés offensif. Simple, efficace.

“You’re not here”

Vous avez votre humain. C’est cool. Mais vous n’êtes pas un humain. Vous êtes un psychopompe badass. On va donc parler de ce qui fait de vous ce que vous êtes, tant du point de vue univers que de la mécanique. Premièrement, vous n’êtes JAMAIS seul. Là où les Vampires doivent lutter contre leur Bête intérieure, là où les Loups-garous doivent se former en meutes et gérer leur équilibre chair/esprit, homme/loup et harmonie/rage, là où les Bêtes primordiales sont condamnées à se voir exterminer par les Héros, là où les Prométhéens sont déchirés entre le “Disquiet” qui les empêche de se rapprocher des humains qu’ils aspirent à devenir, vous avez vôtre Geist. Ce dernier peut aussi bien être un PNJ avec un caractère proche de vous qu’un personnage joueur avec qui vous pourrez lutter ensemble contre les menaces surnaturelles et blaguer. De plus, les fantômes vous voient et vous pouvez les toucher. Cela semble tout bête mais il faut bien comprendre que pour ces derniers, c’est important. Vous pouvez empêcher un fantôme de faire une connerie ou rassurer un enfant mort en le prenant dans vos bras. De même, vôtre Geist tient à vous et vous reconstitue tant que votre corps n’est pas endommagé. Ajoutez à cela une bonne résistance naturelle et vous êtes déjà pas mal, mais ce n’est pas tout…

Les psychopompes ont évidemment leurs pouvoirs. Ceux-ci sont appelés “Hantises” et sont les équivalents des disciplines vampiriques. Bien entendu, toutes sont liées aux fantômes ou à la mort. Elles sont variées et certaines sont toutes aussi physiques que Puissance des Vampires ou perceptives qu’Auspex. Leur usage est simple. Vous utilisez du plasme comme énergie. Et par plasme je veux bien sûr dire “ectoplasme” qui est une énergie matérielle liée à la mort. Vous pouvez en récupérer, comme récompense en aidant les fantômes, en accomplissant des rituels ou même en dévorant des fantômes. Personnellement je trouve que l’idée de préparer un stock de plasme en aidant les fantômes est franchement cool.

De même, comme vous bossez avec votre geist, celui-ci possède des “clefs” qui sont liées à ses souvenirs perdus et peuvent se combiner à vos hantises. Comme les combos de disciplines des Vampires (qui deviendront les amalgames dans Vampire V5), ces combinaisons peuvent être puissantes. Ce travail en équipe est mesuré par la synergie, un terme parfaitement choisi qui débute à un et mesure l’entente entre vous et votre geist. Comme les geists sont jouables, ils disposent de leurs propres fiches de personnage. Et c’est là que Geist se différencie encore de Wraith qui, mécaniquement, est raté. Là où il est compliqué d’imaginer un fantôme du Monde des Ténèbres faire une action physique, ici, rendre un fantôme jouable fonctionne bien mieux par le fait d’être lié à un psychopompe qui n’a pas les mêmes caractéristiques. De plus, certains pouvoirs permettent aux fantômes de quasiment fusionner avec le psychopompe. Certains américains comparent la relation geist / Sin-Eater à celle d’Eddie Brock avec le symbiote. Enfin, il est temps de parler des “Krewes”, que je traduirais par “assemblées mortuaires”. En gros, ce sont des groupes de psychopompes qui ont le même point de vue sur la mort. Créant leur propre mini-religion, ils peuvent être redoutables.

“Tears of”

Après tout cela, on arrive aux sections pour le meneur de jeu. À commencer par la description des enfers (Underworld), des gardiens de cet endroit et évidemment des antagonistes. Comment dire… Heureusement que les psychopompes sont puissants et résistants. Car entre les menaces du monde des mortels et celles des enfers, il y a du boulot. Sans compter les conflits idéologiques (comme les purs nécromanciens qui voient dans les fantômes du carburant ou des esclaves). On a, comme pour Vampire le Requiem, la présentation de quelques villes. Donc du contexte. Mais aussi des villes fantômes (coucou ! Silent Hill pour les gens qui auraient compris les titres des différentes parties de cet article) situés dans les enfers. Toujours utile pour aider les meneurs débutants. On a, enfin, une bonne vingtaine de pages de conseils pour les meneurs, de quoi jouer des fantômes (normaux) et la liste des conditions.

“Waiting for you”

Geist, c’est le jeu ultime des histoires de fantômes”, déclare Batronoban sur le GROG et je ne peux qu’être d’accord. Évitant le côté désespéré et les soucis mécaniques du Monde des Ténèbres, profitant de sa seconde édition pour se parfaire, avec les mécaniques des Chroniques des Ténèbres, proposant de jouer psychopompe, geist ou fantôme, généreux en contenu, pas trop compliqué et trouvant, selon moi, le ton parfait entre optimisme et noirceur, cette seconde édition de Geist est l’un des jeux les plus joliment polis de tout White Wolf/Onyx Path. Et pour couronner le tout, la couverture est ultra stylée. Le jeu est fort réussi et très apprécié par ceux qui le connaissent. Un quasi chef d’œuvre selon moi, qui mérite tellement d’être plus connu.

LA FICHE TECHNIQUE

GEIST: THE SIN-EATERS 2e ÉDITION (VO)

Titre: GEIST: THE SIN-EATERS SECOND EDITION
Titre original
: id. (Onyx Path Publishing – 2020)
Œuvre: GEIST: THE SIN-EATERS
Thème: Contemporain / Horreur / Occultisme
Mécanique: Storytelling System (xD10)
Type: Livre de base
Création et Rédaction: Liz Argall, David Brookshaw, Theo Cohan-Diaz, Jose Garcia, Emily Griggs, Lawerence Hawkins, Olivia Hill, James Mendez Hodes, Alisha Karabinus, Eloy Lasanta, Vivian Paul, Neall Raemon Price, Rebecca Slitt, Chris Spivey, Travis Stout, Vera Vartanian, Kat Veldt
Illustration de couverture: Mike Chaney
Illustrations intérieures: : Carlos Samuel Araya, Avery Butterworth, John Cobb, Brian J. LeBlanc, Vince Locke, Ken Meyer Jr., Luis Sanz, Drew Tucker
Matériel: Livre de 320 pages bichromie format A4 à couverture rigide
Edition: ONYX PATH PUBLISHING (VO)


GEIST: THE SIN-EATERS SUR G&P

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Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

Nicolas Lamberti

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