La proposition de Meute, un jeu de rôle de Julien Moreau, est simple: incarner des lycanthropes. Mais pas ceux des films et des séries. Vers 1500 av J.C., de puissants chamans d’Asie centrale décidèrent d’unir l’âme des membres de leur tribu à leur prédateurs redoutés : les loups. Ainsi apparurent les premiers Neuris , terme approprié pour désigner ces personnes à double âmes. Une humaine, une lupine. Cette fusion leur apporta des capacités extraordinaires mais au prix de deux personnalités partageant le même corps. Au fil des siècles, les âmes des loups des origines se réincarnent dans les descendants de ces premiers Neuris leur apportant leur mémoire et leurs capacités acquises. L’humain le contrôle jusqu’à ce qu’il décide de « libérer » son loup ou que des évènements extérieurs fassent réagir et éveille son loup selon un niveau de prégnance.

La meute est centrale dans la l’ADN de ce jeu de rôle de Julien Moreau. Les joueurs font partie d’un groupe où tous les membres sont liés et qui est dirigé par un alpha. Elle occupe un territoire en exclusivité et essaye de mener une vie discrète. Passer sous les radars est une question de survie apprise au long des siècles de persécution. Les gouvernements connaissent leur existence et emploient des Luparis pour réguler et faire le ménage si les Neuris troublent la quiétude des lieux qu’ils occupent. Le surnaturel s’ajoute au monde moderne. Des âmes doubles existent de-ci de-là sous d’autres forme d’animaux. La fusion des âmes a toujours intéressé les magiciens en quête de pouvoir.

Les principes de jeu et la mécanique

Comment cela se joue t il ? Simplement avec des dés six avec une réussite sur 5-6. Le nombre de dés à jeter étant l’addition d’ un attribut+ un ou plusieurs vécus + des dés mémoires + des dés de liens de meute. Bref une poignée a jeter et un nombre de réussites à atteindre ou dépasser. Le système est simple mais il cache une difficulté majeure qui est la gestion du nombre de dés à jeter auquel il faut ajouter une particularité de Meute, la gestion de deux personnages. En effet, le joueur doit gérer deux fiches, une pour son humain et une pour son loup. Les relations humaines à l’intérieur de la meute sont décrites dès la création de celle-ci et sont la partie centrale du gameplay. Chaque relation apporte un dé dans la réserve de la meute et apporte une raison logique de l’utiliser une fois en cours de partie. On commence donc avec beaucoup de dés potentiels mais il faut trouver les bonnes raisons pour taper dedans.

Il faut également noter qu’un joueur devra choisir ou être choisi comme mâle alpha. Il agit comme un capitaine et il devra veiller à ce que tout le monde soit à sa place et contribue bien à l’harmonie de l’équipe. Un coup de canif dans la démocratie du rôliste. Il y a un chef et il faut jouer en conséquence. A lui de souder le groupe et d’en être le chef non despotique.

Apport également très intéressant dans Meute: les mémoires. Les loups séculaires qui se réincarnent dans les joueurs ont un vécu qui peut amener des dés supplémentaires. Une précédente incarnation dans un mousquetaire du roi apportera des dés bonus pour un combat à l’épée. Une mémoire peut faire également voyager le joueur dans le temps. Un déclencheur le fera se réincarner dans un hôte précédent avec le même loup. Une troisième fiche de personnage se rajoute alors, l’humain du passé.

Nous voyons donc se dessiner le style de Meute. Du coopératif ultra narratif. La création de la meute est une expérience en soi. Trouver tout ce qui relient ses membres. Liens affectifs, familiaux, conflictuels, historiques… tout doit être décortiqué et noté pour constituer les liens qui composent la meute. Il faut jouer avec un humain mais « habité » par un loup têtu, caractériel ou sanguinaire imposé. Si le joueur contrarie les inclinaison de son loup, il aura des malus aux jets et finira peut être par le laisser prendre le dessus, ce qui peut entrainer une transformation bien inopportune. Une partie de Meute ne s’entend que si chaque joueur se conforme à ses fiches de personnages. Toute action doit être conforme sinon l’alpha devra recadrer l’imprudent.

Pas facile à appréhender, d’autant plus que la présentation des règles manque d’exemples de personnages mis en situation, Meute est réservé à des joueurs confirmés qui accepteront de coller à un profil et de le jouer à fond. Je regrette aussi un peu que l’ouvrage se montre avare en illustrations, d’autant plus que l’illustrateur est le talentueux Olivier Sanfilippo (ndr: Errances est plus fourni avec la présence des jolis crayonnés de Mathilde Marlot). Je suis cependant assez impatient de faire jouer mon premier scénario, « Chloris » de Julien Moreau et de voir comment les joueurs vont réussir à interpréter des personnalités multiples et parfois schizophréniques.

Joel Rozan

Boulimique ludique, apprécie particulièrement les festins riches en pions et en meeples

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