CRITIQUEJEU D'HISTOIRE & WARGAME

Polemos, American Civil War (Baccus 2008)

J’ai découvert Polemos, American Civil War, en même temps que j’ai REdécouvert le 6mm, c’est-à-dire de nombreuses années après avoir mis de côté cette échelle qui, dans les années 90, ne proposaient que des figurines, certes bon marché, mais affichant une médiocre qualité de gravure et de moulage (avec les marques Irregular et Heroics’n Ros). Depuis, les temps ont changé. Baccus, qui, avec Adler Miniatures, proposent de très beaux modèles, commercialise également une règle pour leur utilisation. C’est donc naturellement que j’ai opté pour l’achat de ce livret en anglais, une initiative d’autant plus aisée que la compagnie met en vente, via un site VPC, une version numérique.

Polemos, American Civil War est une règle tactique qui, dans son ensemble, ne se démarque guère des autres, excepté par quelques importants détails, qui peuvent largement justifier son choix. Comme l’on peut s’en douter, cette règle conçue par Peter Riley est particulièrement adaptée à l’effet de masse recherché par l’échelle 6mm. Avec Polemos, le but recherché par l’auteur est de permettre aux joueurs de disposer sur une table de dimension raisonnable des forces allant de la division au corps d’armée, avec un système mettant en avant un beau rendu visuel et une bonne jouabilité. Avec ce petit billet, il me revient de vous convaincre que l’opération est réussie.

L’OPTION PRATIQUE

Etant donné la petitesse de l’échelle utilisée, il était hors de question d’opter pour une gestion à la figurine. Donc, dans Polemos, les unités sont représentées par de grandes bases matérialisant des régiments ou des brigades, selon le set de règles utilisé. Car il faut savoir que Polemos, American Civil War inclue deux sets de règles. Le premier, On They Came, permet de reconstituer des batailles à l’échelle de la division ou du corps d’armée, avec une unité d’infanterie représentant un régiment. La deuxième, Crisis of Allegiance, est consacrée à la reconstitution de grandes batailles, avec une unité d’infanterie représentant une brigade. L’on dispose donc d’une règle tactique et une règle grand-tactique dans le même livret. Mais attention, pas de panique, les deux variantes présentent un tronc de règles commun et ne diffèrent que par quelques petits détails facilement assimilables.

Quel que soit le set choisi, le soclage des figurines fait que la vue d’ensemble d’une partie de Polemos évoque un peu une sorte de version miniature de Volley and Bayonet. Là s’arrête la comparaison car où Volley & Bayonet faisait dans les généralités, Polemos fait dans la précision historique. Peter Riley a notamment fait un effort sur la gestion de l’influence des rideaux de tirailleurs, en intégrant des caractéristiques adaptées au type de soclage utilisé par Polemos. En effet, en 6mm, il serait trop astreignant de détacher des figurines au-devant des unités pour matérialiser les détachements de tirailleurs. Ici, chaque unité d’infanterie possède une capacité de Tirailleur allant de 0 (peu efficace) à 2 (très efficace). Cette capacité, ajoutées au niveau de qualité de l’unité (Conscrit, Entraîné, Vétéran, Elite), influent sur les résolutions de combat au corps-à-corps. On peut représenter ce facteur par un petit marqueur posé sur le socle ou, pour un rendu plus esthétique, par quelques figurines détachées des autres et montées sur la même base.

BLUFF ET INITIATIVE

La grande originalité de Polemos, American Civil War, se situe dans le système de commandement, qui obéit à une mécanique de mise couramment rencontré dans les jeux de plateaux mais assez rarement vue sur les tables de wargamers (du moins à ma connaissance). Le principe est aussi simple que judicieux et ludique.

Au début de chaque tour de jeu, chaque joueur lance un dé auquel il ajoute les valeurs de commandement de son général et de ses subordonnés (par exemple, un général exceptionnel a une valeur de 4 et un subordonné compétent à une valeur de 2). Chaque joueur obtient alors un petit pactole baptisé Points de Tempo. Ils vont utiliser ce pactole pour activer leurs unités mais aussi pour tenter d’obtenir l’initiative pour le tour. Pour ce faire, avant d’initier le tour de jeu, les joueurs misent secrètement un nombre de points de Tempo, qui est retiré du total. Le joueur ayant effectué la plus grosse mise obtient l’initiative pour le tour de jeu et des avantages non négligeables.

Un tour de jeu se résume comme suit :
1. Séquence du joueur ayant remporté l’initiative pour le tour.
– Phase de bombardement : le joueur ayant remporté l’initiative effectue tous ses tirs d’artillerie.
– Phase de déplacement du commandant en chef, de ses subordonnés, et attribution des points de Tempo restants par le commandant-en-chef à ses subordonnés (chef de brigades ou de division).
– Phase d’attaque : le joueur résout toutes les attaques à distance (sauf l’artillerie qui a bombardé), amène au contact de l’ennemi toutes les unités ayant déclarés une charge, résout et les mêlées et effectue les déplacements obligatoires.
– Phase de déplacement : le joueur effectue tous les autres déplacements de ses unités.
2. Séquence du joueur n’ayant pas remporté l’initiative pour le tour
On effectue exactement les mêmes phases.
3. Phase de poursuite et de ralliement
Les deux joueurs effectuent tous les déplacements consécutifs aux ralliements et aux poursuites.

Le capital de points de Tempo restant est utilisé par les officiers subordonnés pour déclencher des actions (déplacement d’unités ou de groupes d’unités, ralliement d’unités, monter ou démonter un socle de cavalerie, etc.). Il est bon de noter que les actions ordonnées par le joueur ayant obtenu l’initiative sont moins couteuses en points de Tempo que pour son adversaire. Remporter l’initiative a donc un intérêt double, reste à définir la somme que l’on est prêt à investir pour en bénéficier, sans garantie de succès.

DUR, DUR POUR LE MORAL

Polemos, évidemment, ne gère pas les pertes à la figurine (on voit mal le joueur arracher les figurines de leur base pour les recoller à la fin de chaque partie). Non, comme pour de nombreuses autres règles actuelles, le système d’usure des unités est basé sur la dégradation du moral d’une unité. Quand on résout un combat, qu’il soit à distance ou au corps-à-corps, chaque joueur lance un dé et y applique des modificateurs de qualité, de moral et/ou de situation (nature du terrain, présence d’unités amies en soutien, etc). La différence entre les deux scores représente une marge de réussite qui est convertie, pour le perdant, en une dégradation de son moral (de un ou deux niveaux). Il y a 5 niveaux de moral, de 0 (état normal) à 4 (dérouté). Quand une unité atteint le niveau 4, elle est éliminée, non sans avoir auparavant effectué un mouvement de déroute qui peut être lourd de conséquences si elle interpénètre ou passe à côté d’unité amies.
Evidemment, lors de la phase de tir, si c’est le « défenseur » qui remporte le combat, il ne se passe rien.

Pour ce qui des tirs, la règle gère les différents armements utilisés durant la période, de manière assez générale. Les armes sont regroupées en plusieurs catégories qui présentent leurs propres caractéristiques. Ainsi, une unité équipée d’armes de classe BL (fusils à répétition de marque Henry, Sharps ou Spencer) pourra tirer efficacement sur une plus longue distance mais bénéficiera de bonus de combat et ne subira pas de bonus si l’unité est allongée au sol. Même chose pour l’artillerie qui est regroupée en quatre catégories (rayé léger, rayé lourd, lisse léger, lisse lourd). C’est simple mais pas simpliste.

ENFIN, ON BOUGE

Autre originalité, dans Pomelos, on effectue les mouvements des unités non engagées dans un combat (à distance ou au corps-à-corps) après la Phase de combat. Fondamentalement, cela ne change pas grand-chose. Cela permet juste au joueur en phase d’adapter les mouvements de ses unités en fonction des résultats des combats. Déplacer une unité exige la dépense de points de Tempo.

La gestion des déplacements est assez classique, Peter Riley ayant opté pour une mesure des distances en « largeur de socle », de type DBx, ce qui permet d’utiliser tout type de soclage – à la condition, bien évidemment, que les deux armées opposées aient adopté le même schéma. Polemos, American Civil War propose cependant un standard pour tout joueur désirant monter une armée ex nihilo, avec des socles de 60mmx30mm. Dans ce cas, la mesure des distances se fera à partir d’une règle graduée tous les 60mm. Pour citer un exemple ; une unité d’infanterie peut se déplacer sur une distance maximale de 3BW soit, dans le cas d’un soclage standard, 18cm. Bref, un système fréquemment rencontré, qui ne désorientera pas du tout les habitués du jeu d’Histoire.

UN COUP DE POUCE

Pour aider tous les amateurs qui ne seraient pas des spécialistes de la période, Peter Riley a inclus dans le livre de règles des générateurs d’armée qui permettent de reconstituer les forces armées des deux camps, en suivant leurs évolutions tout au long de la guerre. A cela, l’auteur a rajouté un scénario en fin de livret, consacré à la boucherie… euh, bataille d’Antietam.

CHERS AMIS ANGLOPHOBES

Comme vous pouvez vous en doutez, Polemos, American Civil War, est rédigé dans la langue de Shakespeare. Je tiens toutefois à votre disposition, à la condition que vous possédiez la règle en version originale, une traduction non officielle du set On They Came – c’est celui qui m’intéressait le plus. Si vous êtes intéressé, n’hésitez pas à me contacter.

LA FICHE TECHNIQUE

POLEMOS, AMERICAN CIVIL WAR

Une règle de Peter Riley
Traduction de Nicolas Lamberti
Edité par Baccus 6mm Ldt (2008)
Livret de 40 pages, disponible en version papier (15£) sur le site de l’éditeur baccus6mm.com ou numérique (11,10$) sur wargamevault.com

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

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