Würm. Ce nom étrange est celui d’une vallée alpine utilisée pour nommer la dernière grande glaciation qu’a connue l’Europe il y a près de 80000 ans. Würm est aussi le nom d’un jeu de rôle dont l’action se déroule durant la préhistoire, il y a 40000 ans.
Le joueur peut appartenir à l’une des deux espèces humaines présentes en Europe: les Hommes de Neandertal, appelés Hommes-ours, ou les Hommes atomiquement modernes, appelés Hommes-longs. Ou jouer un métis. On doit ensuite choisir un clan, un âge, un genre. Ces choix permettront de posséder plusieurs types de caractéristiques et de compétences sur sa fiche de perso :
– Les Forces : 29 Forces différentes, comme Agilité du Bouquetin (le joueur bénéficie d’un d6 supplémentaire quand il effectue des tests liés à l’agilité)
– Les Faiblesses : 18 Faiblesses viennent compliquer la tache de notre homme préhistorique, comme Maladroit ou Borgne.
– L’Endurance définit les points de vie)
– L’Expérience est une valeur utilisable comme capital de points de chance par scénario)
– Le Prestige est une jauge de notoriété tribale. Elle s’établit de -100 (bannissement) à +3000 (personnage légendaire). Lors de la création du personnage, cette jauge est fixée à 100.
– Enfin, des talents et savoirs secrets (toutes les spécialités apprises).
Le moteur aléatoire est apporté par le jet d’un certain nombre de d6. Pour les actions, 2d6 est le lancer de base avec un résultat modéré attendu à 7+. Les modificateurs seront l’ajout ou le retrait de dés supplémentaires et des bonus-malus sur les totaux. Le fumble donne le mauvais œil et le critique amène l’aide des esprits. Les combats sont des jets d’oppositions, xd6+mod contre xd6+mod avec ensuite xd6+mod pour les dégâts.
L’argent n’existant pas, les échanges (trocs) se font certes selon un barème de points de générosité mais le twist du jeu est la valeur d’échange selon le besoin. Ainsi, une pomme vaudra peut-être un couteau en silex pour l’affamé.
Dans Würm, enchantements et chamanisme sont présents. On peut enchanter des armes, créer des potions, faire appel aux esprits tutélaires. Les chamanes accèdent à des pouvoirs secrets via la transe (40 différents) Dans Würm, si un joueur le décide, et en accord avec le meneur de jeu, il peut continuer à jouer son personnage même au-delà de sa mort, pour une durée limitée toutefois, sous la forme d’un esprit.
Ce livre de règle est très agréable à consulter. Les illustrations en crayonnés couleurs sont nombreuses et réalistes. La création d’un personnage parait limitée par le nombre de peuple jouable mais est largement compensé par le choix pléthorique de capacités physiques ou magiques à choisir. La documentation fournit tout au long de l’ouvrage une description ethnologique et paléolithique très sérieuse sur ce qu’aurait pu être la vie de nos ancêtres. L’auteur s’est d’ailleurs appuyé sur les dernières recherches en laissant une grande part d’incertitude sur les vérités acquises. De nombreuse tables simulent les conditions climatiques, les types de terrains, tous sauvages.
Le bestiaire est conforme à l’imaginaire courant (mammouth) avec l’ajout de quelques bêtes fantastiques ou anachroniques, genre ptérodactyle ou esprits élémentaires. Une part importante des règles tourne autour des interactions tribales. Les communautés réduites doivent s’unir pour survivre ou bien interagir avec intelligence. Toutes ces interactions font évoluer le niveau de Prestige des personnages, caractéristique principale pour évoluer parmi ses semblables. Toutes les compétences physiques ou magiques choisies à la création du personnage évoluent peu car suivent la courbe d’apprentissage d’un néanderthalien. Seuls les savoirs secrets et l’expérience peuvent s’ajouter en cours de saga. De nombreux chapitres sont consacrés à la nature, la survie et les difficultés de la vie en plein air. Bref, Würm est un jeu de rôle écolo.
Fruit du travail d’Emmanuel Roudier, Würm est un très beau livre. On y trouve un univers cohérent car très sérieusement documenté auquel l’auteur a su rajouter une grosse couche de fantastique. Les bêtes fantastiques, les esprits, les fantômes, les sorciers et les chamanes se côtoient pour notre plus grand plaisir. Toute ressemblance avec des univers médiéval-fantastique réels ou ayant existés mis à part, je me vois bien jouer un homme-ours bien bourrin ou un homme-long chamane du feu bien défoncé aux tisanes hallucinatoires. On peut imaginer créer une communauté partant explorer des contrés vierges, affronter bêtes et hommes, choisir de tuer ou asservir des tribus, trouver des lieux magiques pour y peindre des animaux afin de recevoir des esprits moults pouvoirs magiques. Bref, tout ce qu’il faut pour être Rahan fils des âges farouches.
Franchement, un très bon JDR.