Une fois n’est pas coutume, je vais débuter cet article par une petite critique. Force est de le dire, 1066, dans la Fureur et dans le Sang est présenté par l’éditeur Nuts Publishing dans un emballage un brin trompeur, c’est-à-dire une boite trop grande pour la quantité de matériel présent à l’intérieur. En effet, dans un espace qui pourrait contenir beaucoup plus, l’on peut trouver deux decks de cartes (saxons et normands), quelques marqueurs modificateur en carton, une tuile premier joueur et des pions dommages répartis en deux couleurs (bleue pour les normands et rouge pour les saxons). A cela, il faut ajouter les cartes Objectif (un deck de 7 cartes pour les normands et un autre pour les Saxons) et 3 cartes ailes qui aident à la mise en place et sert de repère. Une boite de jeu trois fois plus petites aurait suffit.

Bon, la mauvaise presse s’arrête là car visuellement, avec ses illustrations réalistes évitant les anachronismes, le produit est de belle facture. Les amateurs d’histoire militaire, et de cette période plus précisément, seront heureux de constater que chaque carte des decks (Personnage, Unité, Tactique, Evènement, Attachement) porte, en plus de valeurs chiffrées (coût en ressource, force, zèle, ressource), des informations et des dessins qui illustrent de manière fidèle cet épisode de l’histoire. L’atout pédagogique du produit, et le respect de l’aspect historique, ne peut donc pas être négligé… et tout cela nous fait pardonner sans problème le format un peu incongru de la boite.

Les lignes saxonnes, avec des cartes Unité et Personnage générant des ressources (en vert)

LES PRINCIPES DE JEU

Chaque deck matérialisant les spécificités culturelles, civiles et militaires des deux partis, 1066 est un jeu de cartes asymétrique.

Pour progresser sur le fil chronologique du jeu, chaque joueur doit remplir les conditions de cartes Objectif pour, enfin, parvenir à la dernière, à savoir la Bataille d’Hastings, qui sera décisive. Toutefois – et heureusement -, cela n’empêche pas un joueur d’agresser son adversaire durant toute la partie en activant ses cartes pour diminuer la puissance de l’adversaire et contrarier ses plans.

Chaque joueur commence la partie avec une main de 4 cartes. Au fil des tours, il va piocher des cartes (sans toutefois dépasser une valeur six cartes). Voyons maintenant de quoi est composé le deck de chaque joueur:

  • Les cartes Unité sont pour ainsi dire les cartes de base du jeu, elles sont jouées, c’est-à-dire posées sur le champ de bataille du joueur (sa zone de jeu) puis éventuellement activées.
  • Les cartes Personnage (qui représentent les grandes personnalités de l’époque) sont des cartes plus puissantes, qui génèrent souvent des capacités spéciales. Elles sont également jouées sur le champ de bataille du joueur puis éventuellement activées.
  • Les cartes Evènement sont les cartes instantanées du jeu, elles sont jouées directement de la main du joueur puis défaussées.
  • Les cartes Tactique sont des cartes permanentes qui, une fois posées hors du champ de bataille, activent des effets spécifiques.
  • Les cartes Attachement sont jouées comme les cartes unités et personnages, à la différence qu’elles doivent être attachées à une carte déjà présente sur la zone de jeu du joueur pour en améliorer les capacités.

Pour jouer une carte, c’est-à-dire la poser sur la table, ou activer sa capacité dans le cas d’une carte Evènement, un joueur doit payer un coût en ressources qui est indiqué sur ladite carte. Pour récolter des points de ressource, un joueur peut défausser une carte de sa main (il obtient un point de ressource par carte) ou activer certaines cartes posées dans la zone de jeu qui possèdent une valeur en ressources (un chiffre inscrit en vert).

L’aire de jeu est constituée de deux champs de bataille séparés par une ligne de 3 cartes Aile. Le nombre maximum de cartes que peut poser un joueur dans sa zone de jeu est 9 (3 cartes de profondeurs sur 3 ailes).

Le roi Harold Godwinson et ses troupes (notez la carte Attachement qui ajoute +2 en Zèle

Un tour de jeu se déroule de la manière suivante :

Phase de Préparation : chaque joueur pioche 2 cartes et prépare ses cartes (c’est-à-dire qu’il redresse ses cartes qui ont été activées le tour précédent)
Phase de Déploiement : les deux joueurs, à chacun leur tour, en commençant par le premier joueur, peuvent effectuer une des actions suivantes :

Jouer une carte en payant son prix en ressources : le joueur paie le prix en ressource puis pose la carte sur la zone de jeu (carte Unité, Personnage ou Attachement), ou la joue directement de sa main avant de la défausser (carte Evènement) ou la pose devant sa Zone de jeu (carte Tactique).

Activer une carte : le joueur effectue l’action décrite sur une carte Unité ou Personnage posée dans sa Zone de Jeu, ou sur une carte Tactique.

Sacrifier une carte : le joueur défausse une carte de sa Zone de Jeu (pour la remplacer plus tard par une plus puissante, par exemple).

Passer : quand les deux joueurs ont passé, la Phase s’achève de Déploiement, le joueur qui a passer le premier est désigné premier joueur pour le tour suivant

Phase d’Objectif : les deux joueurs vérifient s’ils ont rempli leur Objectif en cours. Une carte Objectif affiche une valeur en points de vie et un score de Zèle ou de Force. Le joueur calcule la différence entre le total des points de Zèle (ou de Force) de ses cartes préparées (les cartes activées sont ignorés) et le score de Zèle de l’Objectif et enlève le résultat aux points de vie de l’Objectif. Si l’Objectif est détruit, le joueur dévoile la carte Objectif suivante.

On déroule les tours ainsi jusqu’à ce que l’un des chefs de guerre soit tué (Harald pour les Saxons ou Guillaume pour les Normands) – dans ce cas la partie s’achève immédiatement avec une victoire du camp du chef survivant – ou quand l’un des deux joueurs dévoile la carte d’Objectif Hastings. Dans ce dernier cas, et cela jusqu’à la fin de la partie, on introduit une nouvelle phase entre la phase de Déploiement et la phase d’Objectif : la Phase de Bataille.

Champ de bataille saxon

La phase de bataille:

Si un seul joueur a dévoilé la carte Hastings, la bataille ne concerne que les scores de zèle. Sur chaque aile, on compare le total des scores de zèle des cartes préparées de chaque camp. Le plus haut score inflige 1 point de dommage sur l’Aile adverse.

Quand les deux joueurs ont dévoilé leurs cartes Objectif Hastings, on effectue également par Aile un duel de Force. Le plus haut score inflige à l’Aile adversaire un nombre de dommages égal à la différence entre les deux scores. Oui, cela fait généralement plus mal.

La partie s’achève quand l’un des camps a infligé 10 points de dommages à deux ailes adverses.

Le mode Solo

1066, Dans la fureur et dans le sang, bénéficie d’un mode solo. Le joueur choisit un camp, l’IA se charge de l’autre. Pour l’avoir essayé, cela marche plutôt bien. Le joueur joue de manière normale, en appliquant les consignes Solo inscrites sur les cartes. L’IA, vous vous en doutez, n’a pas de main. Elle génère des ressources suivant une matrice dite Tableau des Ressources, on tire une carte et si l’IA dispose de suffisamment de ressources, on la joue. Le jeu est donc réduit à sa forme la plus simple, et je préfère nettement le mode normal, avec son bluff et son imprévisibilité. Mais, je le répète, ça marche, et plutôt simplement.

Arrivée à Hastings!

L’AVIS DE G&P

Avec son type asymétrique, 1066 est un jeu qui nécessite de bien maîtriser son deck mais aussi de s’adapter à la situation tactique. Il est indispensable de faire preuve d’un bon timing dans le placement de ses cartes et de surveiller grandement le développement tactique de l’adversaire, qui peut faire montre de bluff. Disposer les bonnes cartes (comme les redoutables unités d’archers), au bon endroit et au bon moment, est un bon moyen d’obtenir la victoire.

Après plusieurs parties, nul conteste que le jeu est équilibré (6 victoires saxonnes, 5 victoires normandes). L’entame des parties est en général favorable au Saxon (ses objectifs, basés sur la Force, sont plus faciles à remplir), qui arrive généralement le premier à Hastings. Mais une fois les deux armées déployées à Hastings, le rapport de force peut rapidement tourner. Rares ont été les victoires écrasantes, pour un camp comme pour l’autre.

Au final, avec sa cosmétique de qualité, ses éléments pédagogiques bienvenus et un système de jeu qui n’est guère révolutionnaire mais équilibré et fluide, 1066 est un jeu de cartes à thème historique qui mérite vraiment que l’on s’y intéresse. Que l’on soit féru d’histoire militaire, wargamer aguerri, joueur occasionnel ou simple curieux, le jeu de Tristan Hall s’adresse vraiment à tout type de public car nul besoin de connaitre à fond la période pour tirer le maximum du jeu. Je suis moins convaincu, toutefois, par le mode solo.

La fiche de 1066, dans la Fureur et dans le Sang sur Guerre & Plomb

La fiche de Nuts Publishing sur Guerre & Plomb

le site de Nuts Publishing

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *