AIDES DE JEUJEU D'HISTOIRE & WARGAME

Considérations sur l’artillerie des armées du XVIII° siècle

Un article de Mike Kirby, traduction de Nicolas Lamberti

Dans le domaine de l’artillerie, le 18ème siècle coïncide avec les tous premiers efforts de standardisation. Il y avait toutefois encore une grande diversité dans le poids des projectiles, la longueur des canons et la nature des matériaux utilisés pour leur fabrication. Par exemple, une pièce «légère» de 6 livres modèle 1753 Autrichienne avait un canon qui pesait 413 kilogrammes, alors que la pièce «légère» britannique de 12 livres avoisinait les 500 kilogrammes de métal et que le canon d’une pièce de campagne de 4 livres Française dépassait les 570 kilogrammes. De manière générale, ce n’était pas le poids du projectile qui faisait l’efficacité d’une pièce d’artillerie mais le poids, la longueur et la qualité de fabrication du canon couplées à l’habileté des servants à bien quantifier la charge de poudre nécessaire.

De nouvelles difficultés s’ajoutent à ce dossier déjà bien complexe quand l’on tente de classifier par leurs poids les obusiers car certaines nations utilisaient un système de pesée théorique pour décrire le poids du projectile et non le véritable poids de l’obus, alors les Russes avaient leur propre système de pesée, connu sous le nom de «poud» (ndt: un poud faisait 16,38 kg), qui faisait que leurs pièces n’avaient pas d’équivalents en Occident. En raison de cette prolifération de tailles et de calibres, il n’est pas surprenant qu’il est parfois difficile de soumettre les pièces d’artillerie aux contraintes des règles Volley & Bayonet. Afin de vous aider dans votre tache, vous trouverez ci-dessous une classification concernant les pièces d’artillerie les plus communes, utilisées durant cette periode par les principaux protagonistes.

Très légers:

Les petites pièces tirant des projectiles de moins d’une livre. Les obusiers tirant des obus de 4 livres comme ceux des unités de Croates Autrichiens. Les pièces amovibles transportées, comme les jingals, les armes mobiles montées sur éléphants, les zamburaks et leurs équivalents Européens.

Jingals

Légers:

Les pièces tirant des projectiles de 3 livres utilisées dans les batteries de campagne d’artillerie légère. Les canons prussiens de 6 livres dits «à chambre conique» et les canons Français de 4 livres dits «Suédois». On peut inclure dans cette classe les pièces Russes régimentaires attachées à quelques unités de cavalerie et les obusiers légers aux calibres inférieurs à 4 pouces. Le canon Russe «Shuvalov» est à classer dans cette catégorie en raison de sa faible portée et sa fiabilité douteuse quand il est utilisé autrement que chargé à mitraille.

Canon français de 4pdr

Campagne:

La grande majorité des canons utilisés dans les batteries sont classés pièces de campagne. Parmi les plus répandus, on trouvait le canon long de 6 livres Britannique, les canons «lourds» de 6 livres Prussiens, Autrichiens et Russes et la pièce d’Ordinaire Française de 4 livres. Peuvent être inclus dans cette catégorie les pièces «légères» Britanniques de 12 livres, et le canon «à chambre conique» Prussien de 12 livres. Les obusiers moyens de 5 pouces quelques autres plus grands comme les 7 livres Prussiens et Autrichiens. Et les licornes Russes, ces pièces qui pouvaient faire office de canon ou d’obusier.

Canon russe dit « licorne »

Lourd:

Tous les canons lourds tiraient des boulets de 12 livres, quand ils n’étaient pas tirés par des pièces de classe inférieure. La plupart des nations possédaient des pièces de ce type, comme exemples, on peut citer les Brummer et les Osterreich Prussiens de 12 livres. Les obusiers de calibre 8 pouces et supérieur, y compris les obusiers «Allemands» de 20 livres et plus, les obusiers lourds Prussiens de 10 livres et la majorité des licornes Russes.

Siège:

Tous les canons de 16, 18, 24 et 32 livres étaient généralement utilisés contre les navires et les fortifications ennemis, cependant, occasionnellement, les Prussiens utilisaient leurs canons de 24 livres comme pièces de campagne.

Canons de bataillon:

Les pièces de 2 et 3 livres, utilisées par paires, servaient à supporter les bataillons d’infanterie. Dans le système Volley & Bayonet, en raison de la faible quantité de munitions transportée et de la doctrine tactique d’usage, ces pièces sont gérées par la règle sur les canons de bataillon. Cette classe comprend aussi les petits obusiers «secrets» Russes quand ils étaient utilisés dans les bataillons d’infanterie, ainsi que les pièces légères Britanniques et Prussiennes de 6 livres et obusiers «légers» Prussiens de 7 livres quand ils étaient attachés aux bataillons d’infanterie. Il est intéressant de noter que dans la plupart des états-majors Européeens, les canons de bataillons étaient attachés aux unités par paires. L’armée Française faisait exception à cette règle. Cela découlait d’une réglementation de Belle-Isle, ministre de la Guerre au début de la Guerre de Sept Ans, qui fixait le quota d’une pièce légère de 4 livres pour chaque bataillon (ordonnance royale du 20 janvier 1757). Cela pris quelques années avant que les Français ajoutent une deuxième pièce d’artillerie à leurs bataillons, et il est peu probable que ce processus fut achevé avant la fin du conflit. Pour cette raison, il peut être judicieux de réduire l’efficacité des canons de bataillon français dans les premières années de la Guerre de Sept Ans. Cela peut se traduire dans la règle Volley & Bayonet en autorisant la cible à effectuer un jet de sauvegarde.

Artillerie embrigadée

Cette durant cette période que l’artillerie des grandes nations connut des changement radicaux dans son utilisation sur les champs de bataille. Au début de la Guerre de Succession d’Autriche, les canons étaient utilisés dans des petites batteries d’environ six bouches à feu ou répartis par paires sur la ligne de bataille.  C’est seulement vers la fin de ce conflit,  et durant toute la Guerre de Sept Ans, que l’on vit l’artillerie organisée en brigades et déployées sur le champ de bataille sous les ordres d’un commandement centralisé. Cela permit la concentration de l’artillerie en un point crucial du champ de bataille, un meilleur niveau de commandement et de contrôle et une amélioration du niveau de professionnalisme.

Frederic le Grand usa largement de ces grandes batteries de canons lourds chargées d’ébranler l’ennemi avant une attaque, et durant l’assaut, profitant de la mobilité de ces pièces, il les faisait avancer pour supporter ses lignes de fantassins. Ce fut aussi à partir de cette époque que les grandes batteries de 10 à 12 pièces furent assignées à l’infanterie et mixées avec des «colonnes» ou des «divisions». On retrouve ces grandes batteries attachées à des divisions d’infanterie dans l’ordre de bataille Russe à Kunersdorf en 1759 et et chez les Prussiens à Liegnitz en 1760, où des batteries de 10 pièces étaient assignés à des «divisions» de 4 à 5 bataillons.

Dans les règles Volley & Bayonet, l’artillerie «embrigadée» est représentée par un socle de 2 PFs, plus connu sous le nom de «bataillon» d’artillerie, alors que les petites batteries sont représentés par des socles d’un PF. En conséquence, quand elle est utilisée avant 1750, nous vous conseillons donc de déployer votre artillerie sur des socles de 1 PF, et sur des socles de 2 PFs après cette date. Quelques nations, cependant, comme l’armée impériale, ne peut jamais utiliser de socles d’artillerie «embrigadée», même dans les dernières années de la période

 Artillerie orientale:

En raison d’une déficience dans la formation de sa main d’oeuvre, toute l’artillerie irrégulière orientale, sans prendre en compte le poids ou le calibre, est classée comme artillerie de campagne pour la résolution des tirs et des mêlée, et comme de l’artillerie lourde pour les déplacements. A côté de cela, ces nations peuvent avoir leurs pièces disposées «roue à roue» sur des socles pouvant atteindre 4 PFs, mais à cause du faible niveau de compétence des artilleurs et des officiers, elle ne sera jamais autorisée à tirer comme de l’artillerie «embrigadée». De plus, les servants sont toujours classés comme de la Milice.

Artillerie pré-professionelle

Il faut aussi noter qu’avant 1750, beaucoup d’armées faisaient appel à des employés civils ou à des auxiliaires pour composer les équipages d’attelage chargés de transporter les canons sur le champ de bataille. Une fois mise en position, sous le feu du combat, on ne pouvait guère prétendre à de la mobilité de leur part. Les pièces d’artillerie elles-mêmes étaient très lourdes, surtout si on les compare à celles plus tardives tirant des projectiles de même poids, et elles étaient tractés par de très encombrants attelages, peu manoeuvrables sur un champ de bataille. Il était également d’usage dans cette période primitive d’harnacher les chevaux par deux, ce qui formait de longs et peu manoeuvrables trains d’artillerie. Afin de matérialiser ces spécificités, nous vous conseillons de classer toute l’artillerie antérieure à 1750 comme de l’artillerie pré-professionnelle (APP).

Artillerie spécialisée

Quelques unités d’artillerie pouvaient contenir un nombre significatif d’obusiers. Dans les ordres de bataille de Volley & Bayonet, ces obusiers sont signalés par le poids du projectile, comme d’habitude, suivi du suffixe « Obu ». Il est suggéré de doter une unité d’artillerie où figurent des obusiers d’un dé de combat pour des tirs indirects. En tir direct, bien entendu, ces unités bénéficient de tous leurs dés de combat. Il y a de rares exemples de batteries composées exclusivement d’obusiers, comme la batterie prussienne à Bukersdorf. Dans ces rares, tous les dés de combat de l’unité peuvent être utilisés pour effectuer un tir indirect. Dans les ordres de bataille, ces unités sont désignées sous le terme de « batterie d’obusiers ».

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

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