Dragons
Vous êtes un/e amateur/rice de jeu de société (dans le cas contraire, je pense que vous ne serez pas en train de consulter ces lignes sur G&P). Lors de vos pérégrinations ludiques, télévisuelles ou cinéphiliques, que cela soit en consultant les médias ou les réseaux sociaux, vous avez découvert l’existence de Donjons & Dragons. Un truc obscur qui parle d’aventures héroïques, de ruines hantées par de terrifiantes créatures, d’exploits épiques et de trésors fabuleux, de dés bizarres et de maître du donjon. Et cela a mis votre curiosité dans un état proche de l’incandescence. Vous n’avez cependant pas franchi le pas. Absence de pratiquants dans votre entourage; intimidé par l’ampleur de la tâche ou l’hermétisme de certains rôlistes; un peu perdu à la vue de la quantité de produits estampillés D&D. Bref, qu’importe la raison, vous restez sur votre faim. Heureusement, Wizards of the Coast (l’éditeur américain, rappelez-vous, Magic c’est eux!) a pensé à vous et a lancé sur le marché un produit d’initiation: L’Essentiel (Essentials Kit en anglais). C’est de ce produit dont je vais vous parler dans ce petit article. Mais, avant cela, pour le profane, il est peut-être plus pertinent de faire une petite présentation de Donjons & Dragons.
Donjons & Dragons, D&D pour les intimes, est un jeu de rôle. Un jeu où chaque joueur incarne un personnage évoluant dans un univers de fantasy sous la tutelle d’un tiers que l’on désigne sous le nom de maître de jeu, ou Maître du Donjon pour ce qui concerne D&D. Le Maître du Donjon, ou MD, endosse les fonctions de metteur en scène, de réalisateur, de décorateur et de spécialiste des effets spéciaux. Il va en effet proposer aux autres joueurs de vivre une aventure comme le font des personnages de films… à la différence que les joueurs vont pouvoir, par leurs décisions, contribuer à faire évoluer l’histoire. En s’appuyant sur des règles établies, le MD met en place les décors, introduit les scènes qui sont les composantes d’un scénario de sa création ou acheté dans le commerce. Il a la charge de faire vivre les figurants (les fameux PNJ, pour personnage non joueur), l’environnement vivant, et il a également la charge de résoudre les différentes interactions entre les personnages des joueurs et les éléments du scénario. Les situations aux dénouements incertains tout comme les rencontres (amicales ou pas) et les combats sont résolues par l’utilisation de dés spéciaux et la règle, Donjons & Dragons dans le cas qui nous intéresse..
Dungeons & Dragons (j’emploie ce nom car c’est la désignation anglaise qui est aujourd’hui la norme) en est aujourd’hui à sa cinquième édition. Le jeu est bien plus vieux puisque la première édition américaine date du milieu des années 70. Dungeons & Dragons, premier du nom, est l’aïeul des jeux de rôle. Tous les jeux de rôles qui existent aujourd’hui sont les descendants de l’extraordinaire création de Gary Gygax et Dave Arneson. Force est de dire que depuis 1974, de l’eau a coulé sous les ponts. Le jeu de rôle s’est développé, a pris plusieurs orientations et épousé de nombreuses déclinaisons. Il existe désormais des milliers de jeux de rôle mais Dungeons & Dragons reste la référence, la star. D&D est même aujourd’hui un élément important de la culture geek, tant et si bien qu’on le retrouve dans de nombreux films ou show TV (E.T., The Big Bang Theory, Stranger Things…).
En France, la 5ème édition se situe à un tournant important de sa “carrière”. Tout d’abord distribué par Black Book Éditions, Dungeons & Dragons a connu une pose avant de repartir de plus belle cette année, avec deux distributeurs hexagonaux (Novalis et Néoludis) et une implication de Wizards of the Coast dans la parution et la traduction des ouvrages. De nombreux livres, déjà sortis sous la houlette de Black Book seront à nouveau disponibles début octobre, accompagnés de l’Essentiel, et de nombreux inédits devraient suivre.
Pour ce qui est du contexte, du monde exploré par les personnages, il est vrai que Donjons & Dragons (et son frère Advanced Dungeons & Dragons) a exploité de nombreux settings (univers) et thèmes au cours de son longue existence: la fantasy medfan (Greyhawk ou Mystara), la dark fantasy (Dark Sun), l’horreur gothique (Ravenloft), la Sword & Sorcery (Lankhmar), le space opera (Spelljammer), l’interplanaire fantasy (Planescape), les mille et une nuits (Al-Qadim)… Mais le principal univers partagé par presque toutes les éditions et celui qui sert de setting pour la 5ème édition reste Les Royaumes Oubliées et son environnement high fantasy. Un univers extrêmement riche, fort de multiples suppléments ayant établi une géopolitique, un folklore, une cosmogonie et un extraordinaire bestiaire.
En fait, c’est, si l’on en croit certaines déclarations de Wizards of the Coast (WotC), la popularisation de Dungeons & Dragons, son arrivée dans certains secteurs où il était jusqu’alors étranger, la diffusion et les succès des actual plays (parties de jeu de rôle filmées) sur Youtube ou Twitch, qui a encouragé l’héritier du bijou de TSR (l’ancienne compagnie de Gygax) à mettre à disposition de la clientèle néophyte un produit accessible par sa facilité d’accès et son prix séduisant: Essentials Kit. Un nouveau public était mûr pour basculer du côté obscur (du moins, aux yeux des détracteurs sectaristes et moralisateurs qui voient encore aujourd’hui ce loisir comme une pratique perverse) et WotC n’était pas prêt à les laisser s’échapper.
Penchons-nous un peu maintenant sur ce fameux Essentials Kit. Notez que je me réfère ici à ma version anglaise, étant donné que nous ne recevons pas à G&P de service presse concernant D&D. Cette boîte va coûter environ 20,00€ (contre 25,00€ pour le kit d’initiation). Pour ce qui est du rapport quantité-prix, le moins que l’on puisse dire c’est que l’on en a pour son argent. Ce produit met à la disposition des jeunes joueurs tout le nécessaire pour qu’ils puissent se lancer dans l’exploration de Féérune, continent des Royaumes Oubliés, à savoir:
– Un jeu de 11 dés.
– Une carte du nord de la Côte des Épées et une autre de la ville de Phandalin, où se déroule la majeure partie de l’aventure incluse dans cette boîte.
– Un livret de règles destiné aux Maître du Donjon et aux joueurs.
– 6 feuilles de personnages vierges.
– 81 cartes de références comprenant des PNJ, des objets magiques, les conditions (c’est à dire les états physiques des personnages comme Sonné, Paralysé, etc.), les initiatives, des acolytes, etc.
– Un livre d’aventure contenant le scénario pour débutant Dragon of the Icespire Peak (je ne sais quel sera le titre en français) mais aussi des conseils pour le MD, des statistiques de monstres, des descriptions de lieux et des cartes destinées au MD.
– Et enfin, un très joli écran 4 volets pour le MD.
Pour environ 20,00€, c’est sacrément intéressant surtout que le matériel est de qualité (rien que les 11 dés (avec notamment les deux D20 pour gérer les avantages et les désavantages et un D100, cela vaut le coup d’investir). C’est assurément un produit d’appel qui n’a pas pour but de faire une marge mais de construire une nouvelle clientèle. Et même le fait que les livres soient simplement brochés n’a pas refroidi mon enthousiasme tant ils sont joliment faits. Le côté pratique du livre de règles, avec son continu condensé et synthétisé, peut même faire office d’aide de jeu pour les joueurs confirmés. Quant à l’écran de jeu, il est un peu plus petit que l’écran standard mais il est à la fois élégant et bien pensé. Comme on dit, il fait le taf.
J’ai également été conquis par le deck de cartes, présenté à l’achat sous la forme de feuilles semi-cartonnées et prédécoupées. Au-delà de la qualité (c’est quand même un brin cheap et fragile, je les ai toutes sleevées), c’est surtout que ces cartes sont sacrément utiles pour les débutants comme pour les joueurs plus confirmés. Pour les débutants, les cartes d’Initiative, numérotées de 1 à 9, seront très pratiques pour mémoriser le déroulement des tours. C’est simple mais encore fallait-il y penser. La présence des cartes Acolyte, fortement bien foutues avec des personnages originaux, se révèlent comme un lot de PNJ très utiles pour le MD, surtout quand il est en manque de joueurs. Avec toutes ces cartes, tout est prévu pour faciliter l’apprentissage du nouveau rôliste.
A noter que contrairement au kit d’initiation, cet Essentiel n’inclut pas des personnages prétirés mais des feuilles de personnage vierges. Peut-être un peu gênant pour ceux qui sont totalement novices dans le jeu de rôle.
Venons-en maintenant au scénario. Là, je serais un peu moins enthousiaste. En effet, Dragon of Icespire Peak est plus un supplément de contexte de type bac à sable qu’un véritable scénario pour débutant. Ainsi, si intrinsèquement le niveau de difficulté est des plus accessibles, cet aspect ouvert peut complètement déstabiliser, ou tout du moins mettre dans l’inconfort le MD débutant. L’aventure débute à Phandalin où les aventuriers vont apprendre qu’un dragon blanc sème la terreur dans la région. Évidemment, étant de niveau 1, les aventuriers vont devoir d’abord prendre de l’expérience avant de se lancer dans LA quête ultime qui fera d’eux des héros. Et c’est là que ça coince.
Pour s’endurcir, les personnages vont se voir proposer une sorte de panneau d’offres d’emploi. Un choix de quêtes secondaires pas très originales que les joueurs vont pouvoir suivre à leur gré, auxquelles il faut ajouter des intrigues supplémentaires intéressantes mais assez mal définies. Sans compter que les joueurs peuvent souhaiter faire tout autre chose dans cette grande ville de Phandalin et ne pas se reporter, à la fin d’une session, au précieux panneau. Et là, au secours! risque de s’écrier le jeune MD en feuilletant son livre d’aventure avec fébrilité. A mon avis, c’est une charge de travail beaucoup trop grande pour un MD débutant, qui risque d’être complètement débordé par les sollicitations des joueurs et ne plus savoir où donner de la tête. On est loin du génial scénario La Mine Perdue de Phancreux qui est inclus dans le kit d’Initiation et qui marie avec élégance dirigisme et liberté.
En conclusion, pour le néophyte, je pense que L’Essentiel vaut vraiment son achat. Le scénario, c’est vrai, ne me convainc pas. Ce n’est pas qu’il est mauvais, c’est que son aspect bac à sable ne convient pas du tout à des MD débutants. Mais ce défaut est compensé par une quantité de matériel utile vraiment très satisfaisante, et pour un prix hyper compétitif. Des jeunes joueurs et des jeunes MD ont tout ce qu’il faut pour débuter dans l’univers de Donjons & Dragons, combinée avec le kit d’initiation et notamment son scénario, cette boîte se pose comme un supplément absolument génial. A côté de cela, il peut même intéresser les MD plus chevronnés, de par la quantité de matériel fournie, avec notamment un jeu de cartes qui peut se révéler utile.
Rendez-vous le 8 octobre pour la version française!