Colors Tricorne: la critique
Comme je vous le disais dans un précédent billet, je suis un fan absolu de Richard Borg et de son système de jeu Commands & Colors. C’est donc tout naturellement que j’ai pledgé en début d’année 2017 pour participer au financement de son nouveau jeu Commands & Colors Tricorne qui, comme le titre le laisse entendre, s’étend sur la période « siècle des lumières ». ET ce n’est donc pas sans une certaine fébrilité que j’ai ouvert mon colis, reçu il y a une quinzaine de jours. Premières impressions.
Comme les autres produits de la gamme, disons « avancée » (Ancient et Napoleonics), où chaque série se décline en plusieurs boîtes, pour au final couvrir tous les conflits de la période, celle de Commands & Colors Tricorne débute avec une boîte de base baptisée The American Revolution. Un choix naturel quand l’on sait que le gros des ventes de ce type de wargames se situe aux USA. Compass Games, l’éditeur, qui prend la suite de GMT, annonce des suppléments rapidement disponibles, avec une option mise sur les exploits de Frédéric le Grand (Guerre de succession d’Autriche ou Guerre de 7 ans ? Aucune idée). De plus, cela permet à Compass Games de débuter la série avec un éventail limité de nations, tout en pouvant traiter toutes les batailles du conflit (sans Yorktown, puisqu’il n’y a pas de Français dans la boîte*).
La boîte est très jolie et surtout très imposante et solide ! Heureusement, car le contenu pèse un âne mort avec près de 400 blocs en bois permettant de représenter les unités (Britanniques, Allemands et Continentaux) ! A cela, il convient d’ajouter un grand nombre de tuiles de terrains et un très solide plateau de jeu de 13 hexagones sur 11 (soit un peu plus profond qu’Ancient et Napoleonics). L’ensemble est de très bonne qualité et le rendu final, une fois collés les 400 stickers sur les blocs de bois (une opération longue… très longue…), du plus bel effet. Franchement, pour un pledge à 80$. On en a pour son argent. Compass Games ne se fout pas du client.
Restait à tester la machine. Cela n’a pas traîné, et j’ai rapidement trouvé une victime… euh, un sparring-partner. Bon, je le dis tout de go, les habitués du système Commands & Colors ne seront pas dépaysés. Tricorne – The American Revolution, malgré son nom, ne révolutionne rien. Et c’est tant mieux car avec Napoleonics, on avait atteint un niveau de gameplay très intéressant, à la fois fun et tactique. Rassurez-vous, cette nouvelle série, cependant, amène son petit lot d’innovations.
Dans un premier lieu, j’étais très curieux de découvrir la méthode utilisée par Richard Borg pour bien marquer la différence entre la période napoléonienne et celle exploitée dans le jeu. Après tout, seul un demi-siècle sépare l’ordre linéaire cher au chevalier de Folard ou au maréchal de Saxe et l’ordre mixte cultivé par Napoléon. Et pour bien en évidence cette différence de doctrine, Richard Borg s’est appuyé sur les deux clefs du système de jeu : les cartes Commandement et les dés de bataille.
Les cartes Commandements sont réparties en cartes de section, classiques (activez tant d’unités dans la section de droite, etc.) et en cartes tactiques. Ici, les cartes tactiques sont consacrées à matérialiser les particularismes de l’ordre linéaire. S’appuyant sur une unité désignée, faisant office de centre de contrôle, ces cartes permettent d’activer des « chaines » d’unités adjacentes (connected and linked). Certaines cartes permettent de faire avancer une ligne entière, d’autres d’effectuer un feu de salve, et d’autres d’exécuter des avances coordonnées, ou bien d’autres choses. C’est aussi simple qu’efficace (encore fallait-il y penser et trouver un équilibre) et cela démontre une nouvelle fois l’extraordinaire versatilité du système Commands & Colors.
Les dés de bataille sont un peu différents de ceux des autres jeux de la gamme C&C : deux faces portent un symbole Drapeau, ce qui rend très difficile le maintien des lignes. Et quand on sait que l’introduction d’une nouvelle règle oblige un joueur à effectuer un test de ralliement sur une de ses unités qui a effectué un recul, et que s’il échoue dans le test, l’unité déroute et est éliminée, on devine le niveau de difficulté pour exécuter ses plans de bataille. L’objectif principal de chaque général ayant un minimum de bon sens est de veiller à garder ses unités en formation groupée, de manière à que chacune puisse supporter l’autre. Faute de quoi, bonjour l’effet domino ! Stress garanti !
Autre nouveauté : les cartes Combat. Richard Borg reprend ici le système de cartes Tactician de Napoleonics, qui, lors de leur introduction, a amené au jeu un plus non négligeable et grandement satisfait la fanbase. A une différence près. Chaque camp possède désormais son propre deck. Il y a donc un deck pour l’armée britannique (et son allié hessois) et un autre pour l’armée continentale. Chacun d’entre eux fait ressortir les particularismes de chaque armée, comme l’aptitude au feu chez les Anglais et la rage de vaincre chez les « rebelles », etc. Il est donc logique de penser que dans le futur, il y aura un deck français, un deck prussien, un deck autrichien, etc… Impatient, je suis.
Pour ce qui concerne les combats, Richard Borg a conservé la totalité du système. On bouge toutes ses unités activées, puis on les engage dans des combats au tir ou en mêlée. Pour les dommages, il reprend la méthode Battle Cry (Commands & Colors pour la guerre de sécession) ; contrairement à Napoleonics, la quantité de dommages ne se calcule pas en fonction du nombre de blocs survivants mais par rapport à la distance. A noter que dans The American Revolution n’utilise que des pièces d’artillerie légère (ce qui était, bien sûr, historiquement le cas) et aucune possibilité de composer une grande batterie.
A signaler également l’introduction d’une amusante petite règle, qui pourrait être reportée sur les séances de Napoleonics. Avant que le joueur actif n’exécute son premier tour de jeu, on déroule une procédure de « canonnade d’ouverture », une sorte de bombardement où chaque joueur, alternativement, délivre un tir avec une de ses unités. Les joueurs ont ensuite l’autorisation de retirer leurs pièces du front, s’ils le souhaitent. Une bonne idée, très représentative des « préparations d’artillerie » usées à l’époque.
Par contre, le livret ne présente que 12 scénarios, plus deux qui composent un lot spécial pour le contributeur. C’est vrai, la Révolution Américaine, ce n’est pas la guerre de 7 ans et sa centaine de batailles, mais bon, nombre de joueurs vont vite arriver au bout. Faudra donc compter sur les travaux de la fanbase. Pour ce qui est de la traduction de la règle en français, votre serviteur a déjà effectué une partie du travail, le livret étant disponible en téléchargement sur le site Guerres & Plomb.
En conclusion, une belle réussite! L’on n’a pas fini de parler de Commands & Colors Tricorne. Merci Richard Borg!
Le ressources Commands & Colors Tricorne sur Guerre & Plomb
* Depuis la date de parution de cet article, une extension est sortie. Ils ‘agit de l’extension Commands & Colors: Tricorne Expansion – The American Revolution War Expansion Kit 1, qui fait entrer en jeu les Français!