Critique: Starfinder ou D&D3.5 dans les étoiles

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2022-12-02 | 19:43h
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2023-07-02 | 13:30h
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Critique: Starfinder ou D&D3.5 dans les étoiles

POURQUOI STARFINDER

Les jeux de rôle SF ne manquent pas dans les linéaires des boutiques spécialisées alors pourquoi cet article consacré à Starfinder, ce jeu édité en français par Black Book Editions qui est pourtant sorti depuis quelques temps? 

Tout simplement parce que Starfinder peut être une (bonne?) solution apportée aux meneurs et aux joueurs de Dungeons & Dragons et/ou de Pathfinder qui souhaiteraient projeter leur système de jeu favori dans un solide univers spatial – Starfinder bénéficiant d’une forte documentation et d’une belle richesse en matière de scénarios et de campagnes. Ce raisonnement peut sembler logique dans la mesure où Starfinder est tout simplement la transposition de Pathfinder dans un environnement Space Opera. Tout comme ce dernier est une continuité de D&D3.5 assurée par l’éditeur Paizo (en gros, un concurrent direct de Wizards of the Coast). Cependant, au regard de l’investissement nécessaire pour disposer du matériel nécessaire (des prix assez élevés et une collection importante), l’intéressé peut évidemment se demander si le jeu en vaut la chandelle.

Cette présentation ne tranche pas cette question. Du moins, pas franchement. Elle a pour but de définir ce qui différencie et rapproche Starfinder avec ses deux proches parents, mais aussi d’avancer quelques éléments qui pourraient éventuellement convaincre (ou décourager) les joueurs de D&D en recherche d’environnements  SF. Après, cela sera à vous de vous construire un avis.

L’HÉRITIER DE D&D3.5 DANS L’ESPACE

Le livre de règles de Starfinder est un énoooorme pavé de 530 pages à la mise en page très dense, avec un choix de polices toutes petites (heureusement, il y a beaucoup d’illustrations). Le volume est donc comparable à celui de Pathfinder (620 pages). Avec son prix de 59,90€, force est de dire que l’on en a pour son argent. 

Le livre inclut le système de jeu et une description de son univers: les mondes du Pacte, qui est le système solaire où sont appelés à évoluer (du moins dans un premier temps) les personnages-joueurs. Pour les lecteurs qui ne connaîtraient pas Pathfinder, ce jeu de rôle s’appuie sur les règles de la 3eme édition de Dungeons & Dragons, qui ont été récupérées et développées (oui, c’était possible!) par l’éditeur américain Paizo. On est donc devant un système D20 des plus classiques et les joueurs de Dungeons & Dragons ou de Chroniques Oubliées n’évolueront pas en terre inconnue, d’autant plus que Starfinder transpose également l’environnement fantasy de Pathfinder dans l’espace (avec ses races et sa magie). Facile, donc? Oui, mais seulement dans son approche car passer de la 5E à Pathfinder revient à passer du bac à sable du square de mon quartier au désert saharien. 

La 5E de Dungeons & Dragons a l’avantage d’offrir un jeu de rôle complet et très accessible, et cela au prix de quelques simplifications et raccourcis par rapport à la vénérable 3eme édition. Les qualités de cette dernière sont indéniables, là n’est pas le problème (je la préfère d’ailleurs largement à la 4e édition, mais ce n’est qu’un avis personnel). Il réside plutôt dans la masse d’informations, exposées parfois de façon peu claire. Et comme je le signale plus haut, Pathfinder étant l’héritier de la 3E (et même plutôt de la 3.5), ses règles sont nettement plus denses que celles de la 5E. C’est notamment remarquable pour ce qui est de la quantité d’options dans le processus de création et de personnalisation des personnages – qui sont choisis dans une impressionnante galerie de races, de classes et de professions – et pour la quantité de règles traitant chaque situation de jeu. 

DES ELFES ET DES NAINS DANS L’ESPACE MAIS PAS QUE

Comme Pathfinder, Starfinder propose une grande quantité de races (plus de 100 si on compte les suppléments). Chacune d’entre elles est définie de manière traditionnelle avec ses caractéristiques de Force, Dextérité, Constitution, Intelligence, Sagesse et Charisme, mais se démarque des autres par des petits dons et traits raciaux. Comme Starfinder est un portage de Pathfinder dans l’espace, on retrouve dans les monde du Pacte des Elfes ou des Orques (toutes ces races sont présentées dans le dernier chapitre du livre, L’Héritage Pathfinder) mais le livre de règles préfère mettre en avant, en plus des Humains, des races exclusives, comme les Androïdes, les Vesks (des bipèdes reptiliens) ou les Kasathas (des aliens dotés de quatre bras). Pour ce qui est des classes présentes dans le livre de règles, on y trouve 7 classes (Agent, Émissaire, Mécano, Mystique, Solarien, Soldat, Technomancien) elles-mêmes divisées en orientations et en thèmes qui ajoutent des touches de personnalisations (utiles à la fois pour le système mais aussi pour le roleplay). Ainsi, un personnage de classe Soldat peut s’orienter vers les carrières de Combattant rapproché (thème Mercenaire), Soldat des arcanes (thème Prêtre) ou Tireur d’Élite (thème Hors-la-loi). La liste des variations est quasi infinie!  Et à cela, il faut ajouter les Exploits (chaque classe présente sa propre arborescence d’Exploits qui, à chaque niveau, amène des aptitudes et des dons supplémentaires), les Compétences, les Dons, l’Équipement. Il est quasi impossible qu’un joueur n’y trouve pas son bonheur. Mais tout cela a un prix. A elle seule, la partie consacrée à la création de personnage s’étend sur 234 pages! A noter que le choix de l’équipement est une étape très importante. On est dans un univers de Space Opera et l’équipement joue donc un rôle majeur, cette étape peut donc être assez longue et fastidieuse (le catalogue est très riche et très détaillé). 

LES PARTICULARISMES DE STARFINDER

L’une des principales différences entre Pathfinder et Starfinder est l’introduction des vaisseaux spatiaux qui, dans le jeu, servent à la fois de moyen de transport et de base pour les personnages-joueurs. La qualité du vaisseau des personnages va évoluer au fur et à mesure que les personnages vont gagner en niveaux. Ils débutent en occupant un vaisseau à la structure rudimentaire (qui, grâce à des options et un budget en points de création, peut être personnalisé) puis ils rendront leur vaisseau plus efficace. Les combats spatiaux, eux, se déroulent de manière très classique, chaque personnage remplissant une jet d’action en fonction de son rôle à bord (Pilote, Canonnier, Capitaine…). C’est relativement simple pour ce qui est de l’activité des personnages et une scène de rencontre spatiale s’approche d’un combat tactique un peu froid. D’ailleurs, la règle fait moins d’une douzaine de pages. On est loin de la richesse de jeux comme Metal Adventures ou Coriolis, pour ne citer que ces deux là. Ce n’est pas mauvais, mais un brin trop rudimentaire.

Deux éléments de règles sont propres à Starfinder, qui rendent les affrontements bien différents de ceux de Pathfinder: l’introduction de L’Endurance et de la Persévérance, qui génèrent et entretiennent des principes de résilience et de restauration. L’Endurance, dont le capital est calculé en prenant compte de la Constitution et de la Classe du personnage, compose en quelque sorte un “coussin de protection”. En effet, un personnage va commencer à perdre des points de vie quand il a épuisé tous ses points d’Endurance (PE). Son utilisation se combine avec la Persévérance puisque dépenser des points de Persévérance (PP) permet de récupérer des points d’Endurance. Les PP permettent aussi de stabiliser un personnage mourant. Le capital de points de Persévérance est calculé en fonction de la valeur de la caractéristique essentielle du personnage (par exemple, la Sagesse pour un Mystique) et son niveau actuel. Des phases de Repos permettent de récupérer PP et PE. Cela peut sembler un peu “too much” mais l’intention évidente des auteurs est de compenser par ce moyen la rareté des possibilités de soins (traditionnels et magiques) avec peu de classes “guérisseuses”, du moins si on le compare à Pathfinder.

Autre particularismes: le nombre d’attaques par round est limité à une seule. Cela a un avantage: accélérer des combats qui, dans Pathfinder, peuvent durer des plombes. Youpi. A noter que, à l’instar de la magie et de ses sorts (qui est limitée au niveau 6 dans le livre de règles), les équipements ont également des niveaux. A chaque niveau, ils gagnent en efficacité (les armes gagnent notamment en dégâts et en DD) mais leur prix d’achat est nettement plus élevé. Le meneur de jeu devra donc être très vigilant sur l’attribution des récompenses pour éviter de rendre les personnages trop puissants. Le choix des auteurs était sans doute de rendre la technologie plus intéressante que la magie, sans toutefois supprimer cette dernière. On aime ou on aime pas. 

L’UNIVERS DE STARFINDER

La description de l’univers s’étend sur une centaine de pages. On y présente le système solaire des mondes du Pacte. A travers une chronologie (une frise joliment illustrée et très lisible), un décryptage du système (découpage géopolitique, culturel et social) et des descriptions assez précises de plusieurs planètes (aux ambiances toutes différentes), on découvre un setting qui évoque un peu Star Trek à la sauce D&D. J’aime beaucoup. Ce chapitre présente également quelques importantes factions – que les personnages vont forcément être amenés à rencontrer – et s’autorise quelques écarts en dehors des mondes du Pacte, profitant de l’occasion pour nous parler des déplacements interplanaires et du Grand Au-delà. C’est bien écrit, très accrocheur. Cela donne envie d’en savoir plus. On comprend que, comme pour Pathfinder, Paizo Inc. met un point d’honneur à procurer au meneur de jeu un fluff riche en détails et en sources d’inspiration. Mais, pour approfondir tout cela, il sera nécessaire, bien sûr, d’acquérir les livres univers (comme les Xeno-Archives ou le supplément Les mondes du Pacte). 

L’AVIS DE GUERRE & PLOMB

Alors, que penser de Starfinder? En fait, cela dépend si vous êtes un joueur de Pathfinder ou non. Si vous appréciez Pathfinder ou la 3.5, il est fort possible que Starfinder ne vous laisse pas indifférent. Le système est solide et même si quelques petits détails peuvent interroger (les points d’Endurance et de Persévérance, l’équipement surpuissant par rapport à la magie), il y a un grand nombre de personnages disponibles et le fluff est très accrocheur. Starfinder est donc une solution peu exigeante en temps pour entraîner vos joueurs dans les étoiles, en quête d’aventures insolites.

Par contre, si vous n’êtes pas un aficionado des règles précitées ou, pire, si vous êtes un MJ débutant, je ne saurais vous conseiller Starfinder. C’est complexe, lourd, parfois peu logique (un vaisseau qui fait pop! quand il grimpe soudainement de niveau).et, surtout, il est très laborieux pour un MJ non expérimenté de trouver un équilibre dans le gameplay. D’autres jeux de rôle de Space Op’ existent, qui sont nettement plus accessibles et confortables.

LA FICHE TECHNIQUE

STARFINDER

Directeur de la création: James L. Sutter
Directrice de la création et de la conception: Sarah E. Robinson
Equipe de conception: Logan Bonner, Jason Bulmahn, John Compton, Amanda Hamon Kunz, Jason Keeley, Stephen Radney-MacFarland, Mark Seiter
Alexander Augunas, Judy Bauer, Adam Daigle, Crystal Frasier, Lissa Guillet, Thurston Hillman, Robert McCreary, Erik Mona, Mark Moreland, Jessica Price, F. Wesley Schneider, Amber E. Scott, Mark Seifter, Owen K.C. Stephens, James L. Sutter, Josh Vogt.
Illustrations de couverture: Remko Troost
Illustrations intérieures: Alex Alexandrov, David Alvarez, Leonardo Borazio, David Franco Campos, Tomasz Chistowski, Aleksandr Dochkin, Taylor Fischer, Gaspar Gombos, Sébastien Hue, Guido Kuip, Robert Lazzaretti, Mikaël Léger, Víctor Manuel Leza Moreno, Damien Mammoliti, David Melvin, David Metzger, Mark Molnar, Ferenc Attila Nóthof, Mirco Paganessi, Jose Parodi, Miroslav Petrov, Hugh Pindur, Roberto Pitturru, Maichol Quinto, Pavel Rtishev, Lie Setiawan, Connor Sheehan, Firat Solhan, Remko Troost, Leon Tukker, Rogier van de Beek, Benjamin C. Wootten, Joshua Wright.
Traduction: Jean-Cyril Amiot, Aurélie Pesseas, Philippe Tessier
Matériel: livre de 530 pages couleurs format A4 à couverture rigide
Edition: Black Book Editions
Prix: 59,90€

Achetez le jeu!

Il y a quelques décennies, AD&D s’est enrichi de Spelljammer, une gamme de supplément arcanopunk qui permettait de jouer des aventures dans l’univers du Phlogiston, l’espace intermédiaire qui relie les « crystophères » abritant les différentes univers de AD&D. C’était Albator avec la magie profane et la technologie médiévale de Greyhawk et des Royaumes oubliés à la place des lasers et de la technologie de l’Atlantis.

Dans les guides du maitre de D&D 3.0 et 3.5 , il y avaient des règles pour créer des univers et donjons mais aussi leur conférer des ambiances exotiques. Ce ne sait pas si c’est la conséquence du succès de Spelljammer mais ils comportaient de courtes règles pour introduire créer des univers et donjons « technologique »: 17e siècle, seconde guerre mondiale ou space opéra. Sur ce dernier point, Flight Fantasy Game est allé au bout du raisonnement en publiant la gamme « Dragonstar » pour D&D 3.0. Elle m’a séduite et donné la motivation pour apprendre D&D 3.5. et ses dérivés futuristes.

L’univers de Dragonstar serait une crystophère selon le background de Spelljammer. Il s’agit de la Galaxie de l’Oeil du serpent. La principale puissance galactique est le gigantesque Empire draconique. Gouverné par les dracosires et leurs progénitures, il est fondé sur la gouvernance alternée des dragons métalliques et chromatiques, sur l’égalité des sujets sans distinction d’alignements et sur la vénération obligatoire des Théotypes de l’Eglise de l’Unification. La population bénéficie d’une technologie avancée inspirée d’Alien II, Star Wars, WH40K, Stargate, Cyberpunk. Du fait des limites imposés par les lois de la nature, le voyage supraluminique et la téléportation sont rendus par possible par des objets magiques draconiques surpuissants. On joue donc des guerriers, magiciens, ensorceleurs, prêtres, druides, moines mais aussi des pilotes et mécanos de différentes espèces au sein d’une société féodale où les donjons font penser à la Cité des nuages et les suivants à des Jaffas ou des marines coloniaux. Le tout soupoudré de clin d’oeil aux oeuvres de SF et d’illustrations savoureuses.

Que les fans de Dragonstar ne s’y trompent pas, Starfinder n’est ni un D&D 3.5 de l’espace, ni une version futuriste de Pathfinder comme le prétendent de nombreux articles promotionnels. Starfinder est axé sur les espèces extragolariennes du « Manuel des plans & des mondes lointains » : les espèces classiques de Golarion (y compris les elfes!) sont plus ou moins réléguées au statut de PNJ et un nouveau panthéon remplace l’ancien. D&D 3.5, Pathfinder 1re édition, Starfinder et Pathfinder 2e édition sont motorisés par quatre variantes différentes du D20 avec des listes de compétences, des classes, des règles de création de personnage et des règles de magie différentes.

Mastériser Starfinder, c’est pas si facile. Première difficulté, passer de Pathfinder V1 à Starfinder revient à passer de Pathfinder V1 à Star Wars D20: Il faut tout réapprendre et il n’est pas si simples que cela de transposer des éléments Pathfinder 1 ou 2 à Starfinder ou réciproquement. Deuxième difficulté, il est difficile d’initier à Starfinder un groupe qui n’a pas joué précédemment à Pathfinder à moins de supprimer toute référence à Golarion ou la faille mais tout devra être réappris. Troisième difficulté, tous les éléments de SF sont traités de manières complexes: une multitude d’armes mal décrites avec des règles spéciales pas intuitives, des vaisseaux qui fonctionnent comme des personnages, des tas de traits de personnage. Quatrième difficulté, le background n’est pas présenté de manière très synthétique mais ce n’est pas non plus un puzzle de 1000 pièces où on en fourni 500 en désordre comme dans un autre jeu.

A la lecture du livre de base, on pouvait craindre que Starfinder soit un jeu de tir adossée à un univers bac à sable: Heureusement, ce n’est pas un croisement de Fortnite et Traveller. Si l’on surmonte les aspects techniques et le changement radical de background, l’univers de Starfinder, comme celui de Pathfinder, comporte de nombreux ressorts pour intégrer facilement les joueurs dans l’univers et créer des scénarios, y compris des scénarios tendance « Appel de Cthulhu » ou « Cthulhutech ». Gros atout, plusieurs campagnes intéressantes pour du space opéra, sachant qu’elles sont encore moins axés sur le porte-monstre-trésor que Pathfinder. Certes que bâtiment ou vaisseau inspecté est traité comme un mini-donjon mais cette situation peut facilement être corrigée si les points d’expérience sont attribués sur base des objectifs plutôt que par scalp de monstres. Autre gros atout, le système Golarion et plusieurs « exoplanètes » sont bien décrites.

Conclusion: Paradoxalement, à l’exception des fans les plus motivés et doués, ce sont ceux qui gommeront au maximum les références à Pathfinder qui s’approprieront la plus facilement ce jeux. On peut aussi inverser la logique et s’inspirer de Starfinder comme source d’inspiration pour des campagnes extraplanaires de Pathfinder 1 ou 2. Pour beaucoup sans doute, la gamme Starfinder sera une source d’inspiration pour l’exploitation de leur D20 SF favori plutôt qu’un jeu directement exploitable.

Empreinte
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