Hawkmoon et le jeu de rôle, c’est une longue histoire d’amour. Parfois radieuse (la grande épopée Oriflam), parfois plus tourmentée (l’épisode Mongoose), elle est née au milieu des années chez l’américain Chaosium. Un bail. Il faut dire que l’univers post-apocalyptique du Tragique Millénaire, fruit de l’imagination du romancier Michael Moorcock (Elric le Nécromancien) compose un extraordinaire setting pour un jeu de rôle. Victime d’un cataclysme d’ampleur mondiale qui a entraîné son lot de mutations et de destructions, on a affaire à une Europe en partie défigurée dont les niveaux technologiques et sociétaux sont comparables à ceux de notre époque médiévale. Ce continent mutilé se trouve écrasé par l’impérialisme d’une nation dont les ressortissants ont élevé le Mal au statut de dogme. “Mort à la vie!” est le dicton des Granbretons et de leur empereur Huon. Hawkmoon est donc un magnifique terrain d’aventure avec cette Europe du tragique millénaire. Une terre à explorer, des mutants à craindre, un ennemi maléfique à combattre, des peuples à lever contre l’oppresseur et ses troupes de soldats aux masques totems… Vous l’avez compris, je suis fan d’Hawkmoon

C’est donc avec une joie non dissimulée que j’ai accueilli cette nouvelle édition, 100% française s’il vous plaît, puisque créée par la dynamique équipe du Département des Sombres Projets, à qui l’on doit déjà Mournblade, autre jeu de rôle basé sur les écrits de Moorcock

Voici mes premières impressions suite à la lecture du livre de règles.

3 visions d’Hawkmoon (Oriflam, Mongoose et Département des Sombres Secrets)

UN NOUVEAU REGARD

Hawkmoon se présente sous la forme d’un épais ouvrage de 336 pages couleurs au format A4, avec un papier légèrement glacé. Le rendu est très élégant, avec de nombreuses illustrations (j’en aurai aimé plus de pleine page, mais bon), souvent en noir et blanc, qui donnent un bel aperçu de la vision qu’ont les auteurs de l’Europe du Tragique Millénaire. Une vision qui, d’ailleurs, est nettement plus sombre que celle que l’on pouvait trouver dans la vénérable édition Oriflam. Cultivé à l’Hawkmoon des années 80, j’ai été tout d’abord un peu déstabilisé quand j’ai découvert la démarche des illustrateurs dans leur représentation des soldats masqués, qui est très différente de celles d’Alain Gassner, Bernard Bittler et consorts (avec des visages partiellement visibles et des casques aux profils plus symboliques), mais force est de dire que le résultat est très bon, plus fantasmé.  Plus sombre et maléfique.

Le confort de lecture est au rendez-vous. La typographie est nette, la mise en page aérée, avec un choix de couleurs pastels qui épargnent la vue. Signalons la présence de nombreux encarts, qui fournissent nombre d’informations supplémentaires et de détails, ce qui enrichit intelligemment le texte principal. Beaucoup trouvent leurs sources dans les textes originaux et ils sont signalés par des renvois vers les romans, pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus. La structure de l’ouvrage est assez classique avec une division en trois grandes parties: les livres.

L’EUROPE DU TRAGIQUE MILLÉNAIRE

Le Livre I s’étend sur une centaine de pages et introduit l’Europe du Tragique Millénaire. 

Il débute par une introduction qui expose les enjeux. On découvre que, dans cette nouvelle édition, les joueurs incarnent les membres d’une cellule de résistants face à l’invasion ou l’occupation granbretonne. L’angle d’approche est ainsi plus directif que lors des précédentes versions qui laissait plus de latitudes des joueurs. Il y a également une présentation générale de l’univers de jeu, avec notamment le concept de sorcellerie et sa place dans l’Europe du Tragique Millénaire, riche en artefacts, vestiges d’un temps oublié, qui peuvent être perçus comme des objets magiques par une population en grande partie ignorante et analphabète. La section Vivre en Europe après le Tragique Millénaire nous décrit un environnement médiéval où les échanges commerciaux et diplomatiques existent mais qui sont rendus difficiles par l’invasion granbretonne mais aussi par la nature même d’un environnement intrinsèquement dangereux, de par ses zones contaminées, ses mutants, et ses phénomènes inexpliqués. Une partie qui ne dévoile pas grand chose mais qui met en évidence le potentiel d’Hawkmoon en matière de diversité. On y aborde également le sujet du Bâton Runique, qui tient une grande place dans la mythologie du multivers développée par l’auteur.

Il y a aussi une partie historique de 4 pages, mais qui se concentrent que sur un passé très récent, la chronologie débutant avec le début des conquêtes granbretonnes. Un tableau intéressant fait le lien entre cette partie historique et les évènements que l’on retrouve dans les livres.

Les joueurs en apprendront plus sur les Granbretons avec la section Sous le joug granbreton. Il est important de connaître son ennemi, n’est-ce pas? Qui sont ces envahisseurs venus d’une île que l’on dit être “un enfer sur terre”? Pourquoi portent-ils des masques d’animaux? Certains disent que leur empereur, Huon, est un démon âgé de plusieurs milliers d’années et que leur capitale, Londra, est le siège de la douleur et de la luxure. Tout cela est-il vrai? Vous le saurez en lisant ce chapitre. Personnellement, j’en aurai réservé une partie au MJ. Mais bon.

La plus grande partie de ce Livre I consiste cependant en un descriptif géopolitique,  présenté sous forme encyclopédique. Elle est divisée en trois parties distinctes: les pays occupés par la Granbretanne, la France, les Libres Contrées. Pour la France, il faut l’appréhender comme elle était sous les règnes des premiers capétiens, morcelée en de multiples duchés et baronnies, certains tombés sous le joug des Granbretons, d’autres ayant signé un fragile traité, et certains affirmant leur indépendance par la force ou la ruse. On trouve donc un descriptif de l’Akitaine, de la Provenz, de l’Anjou, etc. Chaque pays, chaque région française autonome, se voit consacrer une page, avec sa ville principale, son régime politique, ses personnalités et la nature de ses rapports avec la Granbretanne. Cette Europe du Tragique Millénaire ressemble à la nôtre avec quelques différences dans le découpage géopolitique. Le pays surement le plus original est la libre contrée de Kamarg qui, vous l’avez deviné, est située en actuelle Camargue et qui occupe une grande place dans les romans, de par sa capacité à résister à l’empire granbreton. C’est un descriptif très intéressant, qui va à l’essentiel.

JOUER DANS L’UNIVERS D’HAWKOON

Le Livre II décrit dans un premier temps le système de jeu puis est le processus de création des personnages et de la Cellule de résistance.

Le système CYD

Hawkmoon est motorisé par le CYD System, qui est le système maison du Département des Sombres Projets. CYD, c’est l’acronyme de Choise Your Dice. En français, cela serait CTD, quoi, mais force est de dire que cela sonne mieux en anglais. Comme souvent. Son principe est simple (encore plus ici avec la présence de quelques révisions) et ne nécessite qu’un D10 et un D20. Personnellement, j’aime beaucoup. Je vais vous exposer pourquoi.

Dans Hawkmoon, un personnage est défini par cinq Attributs (Adresse, Clairvoyance, Présence, Puissance et Trempe) dont la valeur est comprise entre 1 et 10. De ces Attributs sont dérivés le Seuil de Vigueur qui est la quantité de dégâts que peut encaisser un personnage avant de perdre un niveau de Combativité (j’en parle plus loin) et la Vitesse. Enfin, en plus des Attributs, les personnages possèdent des Compétences, dont la valeur est comprise en 0 et 10. Attributs et Compétences composent le cœur du CYD System

Quand un personnage veut réaliser une action dont l’issue est incertaine, il doit faire un test de Capacité. Pour ce faire, lui et le MJ se mettent d’accord pour définir l’Attribut et la Compétence qui sont sollicités et on ajoute les deux valeurs pour obtenir la Capacité. Par exemple, il ajoute son Attribut Adresse à sa Compétence Mouvement pour obtenir sa Capacité à marcher prudemment sur un arbre couché au-dessus d’une faille. Attention cependant, si le personnage à 0 dans la Compétence, il soustrait 3 à la valeur de sa Capacité. Et si le résultat obtenu après cette soustraction est inférieur ou égal à 0, il ne peut pas tenter l’action. La Capacité peut également être modifiée par des bonus ou, au contraire des malus (Adversités). Certaines Adversités hors circonstancielles sont durables (comme le sommeil, une blessure, etc.) et sont mémorisées via l’usage de jetons colorés en fonction de leur nature et leur durée. Pour chaque jeton que possède son personnage, le joueur soustrait 1 à sa Capacité.

Une fois la Capacité déterminée, le MJ va lui annoncer le Seuil de difficulté (SD), des éventuels bonus, ou, au contraire des malus (Adversités). Le SD se situe généralement entre 5 (facile) et 30 (Pure folie), la valeur moyenne étant fixée à 10. Et le joueur va alors choisir un dé, soit le D10, soit le D20, pour le lancer et ajouter le score à la Capacité. Si le total obtenu est supérieur ou égal au SD, l’action est réussie. Mais attention, s’il utilise le D20, tout score impair est considéré comme égal à 0 et, encore pire, s’il est égal à 1 ou 11, l’action est automatiquement ratée et considérée comme un Échec dramatique (en gros, un fumble)! 

Dans le cas d’une opposition, le principe est le même. Le joueur définit la Capacité du PJ et lance un dé, le MJ définit la Capacité du PNJ et lance un dé (ou, plus simplement, il ajoute 6). Le plus gros score l’emporte.

Le système CYD introduit également des degrés de réussite ou d’échec. Si score obtenu est égal ou supérieur au SD +10, c’est une Réussite héroïque. inversement, s’il est inférieur ou égal au SD -10, c’est un Échec Dramatique (oui, comme pour un 1 ou un 11). Au MJ d’illustrer un tel résultat.

L’un des autres particularismes du CYD System est la possibilité pour le joueurs de puiser dans les Ressources du personnage. Il y a deux types de Ressources

  • La Bonne Aventure est un capital de points défini lors de la création du personnage. Le joueur peut dépenser des points de Bonne Aventure pour bénéficier de bonus lors des tests de Capacité, pour défausser des jetons d’Adversités, etc. Un personnage récupère ses points de Bonne Aventure en fin de séance.
  • Un personnage commence une partie avec 1 point d’Éclat. Il pourra en gagner d’autres au fil de sa carrière. Un joueur peut dépenser un point d’Éclat pour influer fortement sur un résultat de test, annuler les effets d’une attaque, etc. Par contre, un point d’Éclat dépensé est perdu.

Ces deux Ressources amènent au CYD System des éléments héroïques, hissant les personnages au-dessus du statut de simple citoyen.

Le CYD System, revu et corrigé depuis Mournblade, est remarquable par sa simplicité d’utilisation et est un moteur vraiment efficace si l’on souhaite impliquer véritablement les joueurs dans leurs décisions sans pourtant alourdir le game play. Ainsi, en fonction des circonstances un personnage va agir avec prudence, assurer le coup mais sans possibilité de “casser la baraque”. Il va lancer un D10. Bouh, le dégonflé. Mais, si les circonstances l’exigent, ou s’il souhaite obtenir un résultat hors-norme (réussite héroïque) il va pouvoir tenter sa chance en lançant un D20. Un système très sympa, qui encourage la prise de risque.

Les combats avec le CYD System

Les règles de base pour gérer les combats dans Hawkmoon sont simples et privilégient des affrontements rythmés, au rendu cinématographique. Après avoir déterminé son rang d’initiative dans le round, un personnage va pouvoir agir en effectuant:

  • Une action simple, comme se déplacer, dégainer une arme etc., et;
  • Une action complexe, comme une action au corps à corps, tirer une flèche, etc.

Quand il est attaqué, un personnage peut toujours se défendre, cela ne compte pas comme une action. 

Quand un personnage attaque un adversaire, il effectue un test de Capacité Offensive (Puissance + Compétence d’arme + éventuel bonus de l’arme) contre le SD du défenseur (Trempe ou Adresse + Compétence d’arme + valeur de Protection + éventuel bonus de l’arme). La valeur de protection dépend de l’armure. Elle va de 4 (sans armure) à 9 (pour les plus efficaces), un bouclier peut encore l’améliorer. Pas de panique, tout cela a été déterminé à l’avance et noté sur la feuille de personnage.

Il n’y a pas de gestion de points de vie. En lieu et place, un personnage dispose de six niveaux de Combativité (Combatif, Éprouvé 1, Éprouvé 2, Affaibli, Très Affaibli, Vaincu). 

Dans le cas d’un test réussi, le défenseur perd automatiquement un niveau de Combativité mais, de plus, l’attaquant va calculer les dégâts de l’attaque (d10 + bonus de l’arme) et va le comparer au Seuil de Vigueur de la cible.

  • Si le Seuil de Vigueur est atteint ou dépassé, la cible perd un niveau de Combativité en plus.
  • Si le double du Seuil de Vigueur est atteint ou dépassé, la cible perd 3 niveaux en tout, etc.

Un personnage peut récupérer des niveaux de Combativité par des Soins ou en effectuant des tests de Capacité mettant en jeu son Attribut Trempe. Mais quand il est vaincu, il est à la merci de son adversaire. A ce moment, sa survie ne dépend plus de lui.

En gros, c’est tout. Évidemment, d’autres règles complémentaires, dites avancées, s’ajoutent pour gérer diverses situations ou décisions: l’effet de surprise, la tentative de fuite, la supériorité numérique, charger ou désarmer un ennemi; le combat avec deux armes, etc. Mais rien de tout cela ne complexifie grandement le système. A noter que les dégâts sont très aléatoires. Par exemple, une épée courte ne procure aucun bonus d’arme et les donc les dommages infligés sont égaux au seul résultat d’un lancer de D10. Et pour une épée longue, le bonus n’est que de +1. Au final, c’est très intuitif, efficace et… fun.

Créer son personnage d’Hawkmoon

Hawkmoon est un jeu à l’atmosphère médiévale. Les initiés sont donc invités à incarner des personnages adoptant des profils assez familiers. Effectivement, pour créer son avatar dans l’Europe de Tragique Millénaire, le joueur va d’abord devoir faire son choix parmi 14 Profils qui comptent les habituels Aventurier, Forestier, Sorcier mais d’autres, moins courants, comme Commerçant, Artiste ou Artisan.

Chaque Profil comporte trois niveaux. Un nouveau personnage débute avec le niveau Initié, au fil des aventures, il va acquérir des points d’expérience pour, s’il remplit quelques prérequis, passer au niveau Aguerri et enfin Maître. Quand un joueur choisit un Profil pour son personnage, il va:

  • prendre connaissance de ses Attributs privilégiés (par exemple, pour l’Artisan, c’est Adresse et Présence);
  • Choisir six Compétences parmi la liste des Compétences privilégiées dans lesquelles il va répartir, à son goût, les valeurs 4, 3, 3, 2, 2, et 2.  
  • Choisir 2 Talents niveau Initié parmi la liste fournie. Certains Talents ont un effet permanent, d’autres ne peuvent être utilisés qu’une fois par séance de jeu. Attention, certains Talents nécessitent des prérequis dans les Compétences
  • Noter l’équipement de départ correspondant au Profil.

La création de personnage dans Hawkmoon se fait par libre répartition de points à partir d’un budget. Comme on a pu le voir plus haut, un personnage est défini par 5 Attributs et une caractéristique Bonne Aventure. Le joueur va y répartir 30 points, avec une valeur minimale de 2 et maximale de 7. Il lui est conseillé de prendre en considération les Attributs privilégiés signalés dans son Profil.

Une fois la silhouette de son personnage esquissée, le joueur va lui donner plus de substance en choisissant un Historique (ou deux) parmi la quarantaine présentée dans le livre (certains ont un aspect désavantageux mais apporte des bénéfices, d’autres améliorent une Compétence, ou ne servent que pour le roleplay) puis il va répartir librement 14 points dans les Compétences (seulement 12 s’il choisit deux Historiques).

Reste à calculer quelques caractéristiques dérivées, comme le Seuil de Vigueur, le Seuil de Défense (son SD lors des combats), sa Capacité Offensive, et débuter avec 1 point d’Éclat. Et… C’est tout! Votre avatar est près à risquer sa vie pour faire échec aux ambitions granbretonnes. Car votre héros est un résistant. D’ailleurs, il va falloir préciser au MJ sa situation au début de l’aventure. Il peut être un résistant Commun, Clandestin ou Insurgé. Chacune de ces situations amène quelques petits avantages. Par exemple, le statut de Clandestin permet au personnage de relancer un test de Discrétion à chaque séance. La prochaine étape  dans la création de personnage est collégiale, avec la création de la Cellule de résistance.

La fiche de personnage

Ensemble, nous somme plus forts

La création de la Cellule ne doit pas être négligée car il est un acteur important dans les scénarios d’Hawkmoon. D’autant plus que cette étape est plutôt bien structurée et assez agréable à exécuter. La Cellule est destinée à évoluer au fil des parties, les joueurs pouvant lui céder des points d’Expérience de leurs personnages pour la développer.

Lors de sa création, une Cellule dispose d’un budget de 5 points de Développement. Les joueurs vont alors dépenser ces points pour définir les aspects suivants:

  • Ses Ressources: une Cellule dispose d’un budget de départ de 5 points de Développement pour acheter des Ressources. Par exemple, un petit voilier coûte 1 point de Développement, une armure granbretonne avec masque en coûte 2);
  • Son Réseau: Acquérir un contact coûte 1 point de Développement, un nouveau Allié coûte 2 points de Développement,
  • Sa Notoriété: si elle est nulle au début de l’aventure, elle va évoluer au fil des parties et est à double tranchant. Une Notoriété élevée attire la sympathie de la Résistance (génère des points de Résistance) mais permet au MJ de lever plus de moyens (les points d’Empire) pour lutter contre la Cellule. Tout est précisé dans un tableau très complet et très lisible;
  • La réserve de points de Résistance: Chaque personnage apporte 1 point de Résistance à la Cellule

Les points de Résistance composent une réserve commune qui fonctionne comme les points de Bonne Aventure. Ils doivent être représentés par des jetons placés au milieu de la table car quand le groupe utilise un point de Résistance, il doit être retourné pour se transformer en un point d’Empire, utilisable alors par le MJ. Cela matérialise de manière simple et efficace, je trouve, le fait que les actes de résistance attirent l’attention des forces impériales.

LA SORCELLERIE

S’il n’y a pas de magie dans Hawkmoon, il y a de la sorcellerie. Enfin, il s’agit plutôt de technologie identifiée par les esprits simples comme de la sorcellerie. Un joueur peut incarner un Sorcier (en adoptant son Profil), mais il doit savoir que cette activité est très mal vue, voire honnie, par la plupart des gens et que dans les zones contrôlées par l’Empire, sa pratique est réservée à l’ordre du Serpent. Tout contrevenant est pourchassé et tué ou, pire, envoyé à Londra. Par contre, il est évident qu’ils sont très appréciés au sein de la résistance.

L’Europe du Tragique Millénaire est riche en artefacts, qui sont en fait des vestiges des temps anciens. Certains sont encore en état et utilisés (à bon mais plus souvent à mauvais escient) même si souvent leur principe de fonctionnement reste totalement inconnu de son utilisateur. L’obsession de la plupart des sorciers est de comprendre justement les secrets technologiques de l’artefact pour optimiser ses effets ou le reproduire en série. Pour comprendre le fonctionnement, utiliser un artefact, voire le réparer, le sorcier va devoir utiliser sa compétence Savoir: Sorcellerie. Le SD dépend de la rareté de l’appareil, de sa complexité, et est fixé par le MJ.

Pour des raisons pratiques, les auteurs ont divisé la sorcellerie en cinq branches: l’alchimie, la biologie, l’électricité, la mécanique et la science de l’esprit. Si un sorcier n’a pas besoin de se spécialiser dans une branche, il pourra cependant être plus efficient par le choix de Talents en lien avec la pratique de cette branche comme, par exemple, le Talent Sorcellerie du Vivant (qui donne des bonus dans l’exercice de la branche Biologie). 

Le premier chapitre de cette partie consacrée à la sorcellerie fixe les règles de création d’Artefact avec une phase théorique et la phase pratique, la deuxième consistant en un test de Capacité (Clairvoyance + Savoir: Sorcellerie + éventuels bonus) contre un SD égal à sa Complexité dont la valeur peut être trouvé dans un tableau qui s’avère très utile. A noter qu’une création comporte généralement un défaut (oui, les créations dans l’Europe du Tragique Millénaire dysfonctionnent souvent) qui se déclenche quand on obtient un 1 sur un jet de D10 lors de son activation. Créer un appareil dénué de défaut augmente sa Complexité.

Le second chapitre consiste en un Compendium Technologique qui présente un grand nombre d’objets, d’armes et d’appareils divers. Chacun d’eux est défini par son SD de création (sa Complexité), sa branche de sorcellerie, sa durée moyenne de réalisation, son temps de mise en route, son défaut, son effet bien entendu, et la Compétence associée à son utilisation. Par exemple, pour la célèbre lance-feu:

  • Complexité: 20
  • Branche de sorcellerie: mécanique
  • Durée moyenne de fabrication: 2 semaines
  • Temps de mise en route: 2 actions simples (la lance-feu doit être allumée et chauffer pendant quelques secondes)
  • Effet de jeu: juste avant le tir, les spires commencent par rougeoyer puis la lance-feu projette un grand rayon igné dévastateur sur la cible, qui s’embrase souvent instantanément.
  • Défaut courant (1/10): la chaleur de l’arme est trop importante, elle inflige la perte d’un niveau de Combativité et 1d10 de dégâts sur celui qui la porte en main. Il faut attendre 5 tours de jeu pour être de nouveau utilisée.
  • Compétence associée: Arme à distance (Armes à feu).

INCARNER L’EMPIRE DU MAL

Le Livre III est la partie la moins importante (en pagination) de ce livre de règles. En effet, de nombreuses informations réservées aux MJ sont incluses dans le supplément Résistance (dont je vais prochainement vous parler). 

En introduction, cette partie présente une série de conseils en destination du MJ, avec notamment nombre d’informations utiles sur un univers de jeu qui peut être délicat à appréhender pour un MJ qui n’aurait pas lu les romans. En effet, si l’œuvre Hawkmoon affiche un évident manichéisme un brin naïf, l’Empire de Granbretanne n’est en pas pour autant une entité sans subtilité. Ce peuple dirigé par le mystérieux empereur Huon est cruel. Il a élevé l’horreur au statut d’art obscène (un peu comme les Melnibonéens ou les drows de Menzoberranzan) mais ses émissaires sont de terribles diplomates, manipulateurs et raffinés, voire obséquieux. Le MJ doit s’en souvenir quand il les met en scène. 

La Force de l’Empire est un chapitre qui rassemble les règles concernant l’utilisation des points d’Empire. Si les points d’Empire peuvent être utilisés par le MJ comme le font les joueurs avec la Bonne Aventure, ils ont également une autre utilité. A la fin d’une séance, le MJ peut dépenser les points d’Empire pour compliquer la vie des joueurs. Il peut:

  • Élever le niveau d’occupation d’une zone donnée: compris entre 1 et 4, le niveau d’occupation influe sur la capacité d’action de la cellule en augmentant, par exemple, le SD de Discrétion de ses membres;
  • Affaiblir la cellule: Affaiblir un Allié ou un Contact, voire l’éliminer; 
  • Déclencher un évènement particulier (à choisir dans une liste): délation, couvre-feu, mauvaise rencontre, etc. Une table d’évènements aléatoires est également fournie, pour les MJ les plus pressés. On jette un D20 et on applique le résultat. 

Evidemment, une section destinée au MJ n’est pas complète sans la présence d’un bestiaire.  Ici, en plus, on a une section décrivant les ressortissants des principaux masques granbretons: Loup, Mouche, Rat, Renard et Vautour. Et puis les Miliciens. Les collabos, quoi, des sans-masques méprisants. Le bestiaire proprement dit n’est pas très important mais il inclut quelques créatures et êtres vraiment originaux (ceux qui n’ont pas lu la saga seront surpris), comme le fameux Baragouin de Camargue, la Bête mécanique du peuple des Ombres ou les horribles Kyarnides. 

Ce livre III se conclut par un scénario d’introduction, ma foi assez classique mais qui a le mérite de plonger les joueurs dans l’univers. Les PJ, réunis dans une auberge, au sein d’une zone faiblement occupée. Un scénario qui va leur permettre de donner vie à leur Cellule, les confronter à des décisions moralement difficiles, et, surtout, prendre conscience de la dangerosité perfide des Granbretons.

L’AVIS DE G&P

Fichtre! C’est génial. Bon, c’est vrai, pour le coup le Département des Sombres Projets prêche un peu un convaincu. je suis fan de l’œuvre, de l’univers. Mais relever le défi de prendre la succession d’Oriflam dont son Hawkmoon reste dans toutes les mémoires (des plus vieux, bien sûr) était quand même risqué. C’est oublier qu’avec Mournblade (dont Fred nous parle si bien ici), Jawad et ses acolytes avaient déjà accompli cette performance. Mais, ici, c’est encore mieux. Si, si, c’est possible. Les auteurs ont réussi, en un livre de règles, à reconstituer l’atmosphère glauque et hard science, pourtant si particulier et si difficile à retranscrire. Les auteurs ont tout pigé à l’esprit de l’œuvre. Je les soupçonne fans. De plus, l’on est devant un livre bien construit, très facile à lire, qui couvre tous les secteurs du jeu.

Très attaché au Basic Role Playing, je dois pourtant reconnaître que le CYD System, qui privilégie les actes épiques, héroïques et sacrificiels, colle encore plus à l’univers. Quand j’ai découvert cette mécanique lors de ma lecture de Mournblade, j’ai été surpris par sa simplicité d’utilisation et son efficacité. Et je dois admettre que ce choix est judicieux pour tout ce qui concerne les adaptations des œuvres de Michael Moorcock.

Très intéressante également est l’idée de réunir les personnages au sein d’une Cellule de résistance. Là, les auteurs se démarquent de leurs prédécesseurs. Et cela n’est pas un banal artifice, et encore moins une coquetterie, puisque la Cellule va leur permettre d’agir tout en étant un élément qu’ils vont devoir améliorer et protéger. Cela va mettre les joueurs face à de nombreux conflits personnels et moraux, et ainsi donner de la substance à leurs personnages.

Attention, chef d’œuvre.

LA FICHE TECHNIQUE

HAWKMOON

Titre: Hawkmoon
Titre original
: id. (Département des Sombres Projets – 2022)
Œuvre: HAWKMOON
Type: Livre de base
Création et rédactionJawad, Ismaël Saura, Vincent Zimmermann, Olivier Durand
Illustration de couverture: Olivier Ruillard
Illustrations: Zahir Aghakani, Alain Brion, David Chapoulet, Nicolas Guéguen, Martin Legal, Borja Pindado, Olivier Ruillard, Christophe Swal, Grégoire Veauléger
Plans et cartes: Guillaume Tavernier
Matériel:
Livre de 336 pages couleur format A4 à couverture rigide
EditionDépartement des Sombres Projets (2022)
Prix moyen constaté: Non disponible

Achetez le jeu!
Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

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