On ne compte plus aujourd’hui le nombre de jeux de rôle qui puise dans l’imaginaire des œuvres de Lovecraft. Depuis la sortie des premières éditions de l’Appel de Cthulhu, disponibles en français chez Descartes dès le début des années 80, plusieurs éditeurs ont mis sur le marché des produits exploitant les écrits du maître de Providence. Mais L’Appel de Cthulhu reste encore de nos jours le plus populaire. Sandy Petersen est l’un de ses créateurs. Toujours actif dans le milieu. Indépendamment de Chaosium, à la tête de sa propre maison d’édition, il nous actuellement Cthulhu Mythos.

LOVECRAFT ET LE TEMPS

Les œuvres de Lovecraft ont pour cadres des environnements contemporains à l’auteur. Ses récits prennent place dans les années 30. Cependant, les éditeurs de jeux de rôle ont souvent proposés des variations qui entrainent les joueurs dans des périodes plus proches de nous (comme Cthulhu Now ou Achtung ! Cthulhu) ou plus anciennes (Cthulhu by Gaslight). L’auteur a également construit un univers onirique, les Contrées du Rêve, qui a été traité par Chaosium sous la forme de suppléments. Un monde où la fantasy est au rendez-vous. Inédit en français, Cthulhu Dark Age emmène le mythe durant l’an Mille. Enfin, en 2011, la Bibliothèque Interdite nous proposait Cthulhu Tech, un jeu de role « cthulhien » se déroulant dans un futur lointain. Cette liste est non exhaustive et il est évident que tout Gardien a l’embarras du choix s’il désire construire des scénarios ou des campagnes moins conventionnelles. Alors, pourquoi irait-il investir dans Cthulhu Mythos ?

La réponse est simple. Pour sa compatibilité totale avec la 5eme édition de Dungeons & Dragons !

UN SUPERBE OUVRAGE

Cthulhu Mythos est un luxueux et solide ouvrage de 426 pages doté de nombreuses illustrations couleurs. La superbe illustration de couverture, fruit du travail de Kent Hamilton, est un bel aperçu de la beauté de l’ouvrage. Quand on feuillette le livre, l’on se rend également compte de la multitude d’informations qu’il contient. Sandy Petersen nous fournit en effet ici une véritable encyclopédie. Un support pour le meneur de jeu qui désire introduire des éléments du Mythe dans ses campagnes de Dungeons & Dragons. Pour profiter de ce livre, il est donc nécessaire de posséder également le Manuel du Maître et le Guide du Joueur de la 5eme édition.

Très intéressant est le travail de conversion effectué ici par Sandy Petersen. Certes, le Mythe de Cthulhu en version d20 n’est pas une nouveauté. Il y a même une superbe édition française chez Black Book (Chroniques Oubliées Cthulhu) mais rien de comparable à ce que Sandy Petersen nous propose à travers les neuf chapitres qui composent l’ouvrage. De plus, Cthulhu Mythos remplit deux objectif ; celui de fournir au Gardien des outils pour traiter le Mythe avec la 5ème édition et, de plus, dans un univers d’heroic fantasy.

LES PERSONNAGES ET LE MYTHE

Dans le premier chapitre, l’auteur fournit les règles et les informations nécessaires à la création d’un personnage issu du Mythe. Un joueur se voit donc proposer d’interpréter un Chat des Contrées du Rêve (oui, oui, un chat), un Gnorri (une sorte de naja des Contrées du Rêve), une Goule (bien différente des goules mortes-vivantes), un Zoog (créatures forestières intelligentes bien moins inoffensives qu’elles en ont l’air) et deux races humaines d’Outre-Monde (les hommes de Leng et les hommes Tcho-Tcho). Le chapitre trois détaille une liste de classes optionnelles pour ces nouveaux personnages mais aussi pour tous les personnages traditionnels si le joueur désire leur attribuer des nouvelles voies/classes/domaines en rapport avec le Mythe (par exemple, pour le Clerc, le Domaine du Signe des Anciens lui est accessible). Chaque personnage se voit également proposer un choix d’historiques (adorateur du Mythe, Aliéniste, Survivant du Mythe), avec des maitrises, des aptitudes et des traits spécifiques, ainsi que 13 nouveaux dons.

Le chapitre 4 est dédié à la santé mentale version medfan. Effroi et démence traite en détail des règles concernant ces deux concepts. De manière générale, Effroi  et démence ramène aux règles de folie de la septième édition de l’Appel de Cthulhu, bien sûr, mais en l’absence de points de santé mentale,  on utilise un jauge d’Effroi avec 7 niveaux. Quand un personnage doit tester sa peur, il effectue un jet de sauvegarde de Sagesse dont le DD est défini par le Meneur de Jeu. Quand le personnage atteint un niveau 4 sur la jauge d’Effroi, il peut être sujet à la démence. Le chapitre comprend également, comme traditionnellement, des tables dédiées aux phobies et obsessions.

LA MAGIE ET LE MYTHE

Mythe et lanceurs de sorts, le chapitre 5, est consacré à la magie. Tous les sorts présentés (près de 70 sorts, avec leurs descriptions détaillées) s’ajoutent  à ceux compris dans le Manuel du Joueur. Ils sont listés par classes. Ainsi, au niveau 1, le barde a accès au sort d’illusion Brume de R’lyeh, qui permet au lancer de devenir invisible. Le chapitre 6, qui liste les objets et les livres liés au Mythe (comme la célèbre lampe d’Al-Hazred et le fameux Necronomicon) achève de compléter la partie de l’ouvrage dédié à la magie et à son usage.

Dans le chapitre 7, les Cultes du Mythe, le Meneur de Jeu va trouver toutes les informations nécessaires pour faire vivre ses scénarios et ses campagnes en donnant du relief à l’environnement fantastique avec la construction de cultistes qui ne soient pas que des coquilles vides. Le culte de la Chèvre Noire (les adorateurs de Shub-Niggurath), le culte du Chaos Rampant (les fans de Nyarlathotep), le culte du Pharaon Noir, le culte du Grand Cthulhu (le pote des Profonds) comptent parmi les nombreux cultes et sectes décrits dans ce chapitre. C’est dans ce chapitre que le lecteur prendra connaissance des spécificités de certains races lovecraftiennes quand elles sont plongées dans un univers fantasy (Profonds, Goules, Fungi de Yuggoth, Bêtes lunaires, etc.) et le traitement des races classiques (elfes, orcs, et autres).

BESTIAIRE MONSTRUEUX

Les chapitres 8 et 9 sont les plus imposants. C’est deux listes encyclopédiques listant toutes les créatures du Mythe, avec leurs descriptions détaillées et leurs caractéristiques. Et je dis bien toutes, y compris les Grands Anciens et les Anciens, avec leurs différentes manifestations (dans le chapitre 8). Même si j’ai toujours trouvé un peu superflu de fournir aux Gardiens des valeurs chiffrées à des monstruosités comme Cthulhu ou Azathoth, avec leurs centaines de points de vie, force de d’admettre que le travail fourni est admirable en quantité et en qualité. Heureusement, dans le chapitre 9, la majeure partie des créatures présentées est exploitable et toutes ces monstruosités se montreront des adversaires à la hauteur des personnages. Ainsi, Gardiens, vous saurez tout sur l’immonde Peuple-Serpent, les horribles Vampires Stellaires,  les terribles Byakhees et les perfides Profonds. Entre autres.

EN CONCLUSION

Avec Cthulhu Mythos, Sandy Petersen nous fournit tout le nécessaire (et même le superflu) pour introduire le Mythe de Cthulhu dans vos parties de Dungeons & Dragons. Il est l’outil idéal pour construire un environnement horrifique autour de personnages de fantasy. Si vous souhaitez donner à vos scénarios des orientations plus « réalistes », Cthulhu Mythos peut être un ouvrage utile. Je verrais bien une campagne où les personnages seraient plongés dans un univers medfan très dark, dans un pays ravagé par la peste et infesté de cultistes nihilistes vénérant une monstruosité comme Sub-Niggurath et Nyarlathothep. Cerise sur le gâteau, le bouquin est superbe, avec de très belles illustrations.

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

Nicolas Lamberti

Nicolas Lamberti, journaliste et traducteur freelance, critique littéraire et réalisateur de télévision

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