Année 2004. Warhammer Fantasy Role Play et Dungeons & Dragons s’affirment toujours comme les leaders dans le domaine des jeux de guerre stratégiques adaptés en jeu de rôle sur table. Débarque alors, le 1er Juillet pour le jeu de rôle et le 9 Juillet pour le jeu de figurines, l’univers des Royaumes d’Acier.
Warmachine, sa déclinaison jeu de figurines, connait un rapide succès, à la fois public et critique, en partie par le fait qu’il propose de jouer non pas de grosses armées, mais des escouades. Il se définit aussi par une bonne finition des figurines, un prix bien plus abordable que la concurrence et le fait qu’il exploite un univers pensé également pour le jeu de rôle. Ce dernier, baptisé Iron Kingdoms, gagne alors, à minima, un succès d’estime qui perdure encore aujourd’hui.
Le jeu de rôle propose de jouer dans un univers “Full Metal Fantasy”, un nom qui n’est pas usurpé car le jeu est réputé pour le type de certaines de ses classes de personnage. Il y a notamment les fameux scaraciers, qui sont des golems/méchas typés steampunk, et les mékastratèges (warcasters en VO), des gens capables de contrôler et de communiquer avec les scaraciers.
En 2015 sort Iron Kingdoms Unleased, une seconde édition qui utilise 2D6 au lieu du fameux D20 et qui vise un rapprochement avec le jeu d’escarmouche. Enfin, en 2022, sort une troisième version. Baptisée Requiem, elle utilise le fameux moteur de la 5E et propose une période plus tardive (20 ans après les évènements des précédentes éditions). Le studio Agate acquiert les droits et attaque une traduction. Et le jeu sort en France en 2023.
Pendant très longtemps, aors que la technologie au charbon se développait, le monde de Caen (prononcez “Caine”, à l’anglaise) a été déchiré par des conflits politiques opposan les diverses nations qui le composent. Mais un évènement allait chambouler cette « monotonie » martiale. Des siècles auparavant, les peuples ont acquis, spontanément, la faculté de maitriser la magie. Un élément qui révolutionna leur perspective sur le monde et qui entraina la naissance de la mékamagie. Mais ce don fut acquis à un terrible prix: la personne qui avait permis aux êtres vivants de l’obtenir avait dû signer un pacte avec les forces infernales. Lorsque celles-ci sont venues faire pour présenter l’addition, ce dernière s’élevait à pas moins des deux tiers des êtres vivant ! Se dressa alors une coalition d’une importance encore jamais vue dans le monde des Royaumes d’Acier. Et les Infernaux ont perdu la guerre. Caen a cependant pris cher et si on évolue pas dans une contexte post-apo, l’on n’est pas loin puisque cette grande guerre qui permet une approche assez simple remonte, dans l’univers du jeu, a seulement 5 ans !
Pour ce qui est du découpage géopolitique, le Cygnar est le pays où il fait plutôt bon vivre, tolérant et plutôt progressiste, que ce soit sur la technologie ou la la libre pensée. Radicalement l’opposé du Khador, une nation agressise et expansionniste. Il y a bien entendu d’autres entités géopolitiques. Le Llael est bien le pays ayant le plus souffert. Ord est une nation qui a souvent aidé les autres nations via des mercenaires, le Protectorat de Menoth ressemble plus ou moins au Vatican mais en plus actif, voire agressif. Cryx est une terrible nation dirigée par le père des dragons (qui sont plus puissants que dans D&D et vraiment méchants). Rhul est la nation naine et Ios est un pays elfe victime d’un schisme.
Si l’on me questionnait sur les spécificités des Royaumes d’Acier, je dirais qu’elles reposent principoalement sur deux éléments. Premièrement, l’omniprésence de la mékamagie. Ceci se traduit par la présence des scaraciers à vapeur, des armes à feu, des mékastratèges et mékartisans, des zeppelins, des bateaux à vapeur et un fort côté industriel. Du moins, si l’on se penche du côté des pays “civilisés”. En effet, il existe un jeu d’escarmouche « jumeau » de Warmachine qui s’intéresse au côté sauvage de l’univers des Royaumes d’Acier : Hordes. Ce dernier met en valeur des peuples plus sauvages et tournés vers la nature, avec notamment ses “sorciers” qui sont une version naturelle des mékastratèges. Evidemment, dans le jeu de rôle, ceux-ci ne sont pas oubliés et il existe un supplément qui leur est dédiés. Secondement, les peuples ne sont pas “racistes”. On est plus dans un conflit “politique” impliquant plus les nations que les peuples.
Ajoutons à cela le style graphique typé steampunk mais particulier car fort de sa mékamagie et se distinguant par le design des hommes-animaux, comme les fameux hommes-alligators et les hommes-sangliers. Il y a aussi cette touche très sombre, qui tient à la fois du Cryx (dont le design rappelle les cartes noires du bloc Mirrodin de Magic: l’assemblée) et des infernaux. Au final, l’on a affaire à un univers qui possède son propre ton même s’il lorgne un peu du côté de World of Warcraft et de Warhammer Fantasy (pour le design des hommes-animaux qui font assez badass et même un peu peur). Iron Kingdoms posède donc son style.
Venons-en maintenant à l’aspect technique. Celui-ci est fort bien développé et colle bien à l’univers. IKR propose de jouer des groupes soudés épousant un objectif commun. Bien que ce genre de chose soit évident il est toujours pratique de voir ces éléments écrits noirs sur blanc pour aider les jeunes meneurs de jeu ou ceux qui auraient tendance à la négliger. Pour ce faire, le jeu propose des groupes de personnages, telles des chartes de mercenaires, des équipages pirates, des enquêteurs, des espions, des cultistes etc. C’est toujours pratique surtout que cette partie technique est plutôt légère et rassemble habilement des personnages-joueurs très différents. De plus, à des historiques propres à l’univers, de nombreux historiques s’ajoutent d’autres plus précis, dédiés à ces groupes de personnages (par exemple, la charte de mercenaires en groupe de PJs accompagné par l’historique de mercenaire).
A tout cela s’ajoute les traditionnels classes et archétypes. Le livre de base d’IKR propose cinq nouvelles classes et une grande quantité d’archétypes destinés aux classes traditionnelles. C’est déjà pas mal. Cerise sur le gâteau : le concept d’Essences qui donne un petit bonus, offre un choix alternatif dans les bonus de caractéristiques avec celui de l’espèce. Ajoutons la présence d’une proposition de dons spécifiques (souvent aussi forts que cools) et l’on voit à quel point IKR se montre généreux avec les joueurs.
Toujours dans la partie technique, on a évidemment :
– Une section consacrée à l’équipement, y compris celui concernant les scaraciers.
– Une section sur la magie. Certains sorts typiques d’IKR sont franchement cools et adaptés à l’univers et, de plus, les règles de magie sont spécifiques. On peut, par exemple, utiliser la règle de la lassitude qui marche vraiment très bien et fait plus penser à du mana qu’aux sorts vanciens. De plus, la magie planaire, les sorts de résurrection et de téléportation sont très, très rares pour ne pas dire, presque impossibles à lancer vu qu’ils attirent les infernaux et que les dieux de Caen sont assez… sévères.
– On a également un petit bestiaire.
Belle entrée en lice d’Iron Kingdoms avec ce livre de base.
IKR, contrairement à son rival Eberron (voir plus loin), est une gamme active. Et pour cause, elle possède des scénarios (y compris en français) et des suppléments qui sont fort plaisants.
Le Monstronomicon est un bestiaire développé et, s’il souffre du fait du système de dangerosité de DD 5 – qui ne fonctionne pas -, il n’en reste pas moins excellent. Les monstres sont bien organisés. Certains seront iconiques et il y en a pour tous les goûts.
Borderlands & Beyonds se concentre sur les espèces plus sauvages, les pays moins civilisés et offre ses espèces, historiques, classes et archétypes en plus. Tout comme pour le livre de base, on sent la volonté de Privateer Press de prendre soin de leur bébé et s’il manque, à mon sens, les stats des hommes-alligators, il est facile en utilisant le bestiaire et les hommes-lézards du Volo’s guide to monsters de rendre l’espèce jouable. Là encore, le livre est développé et il me tarde de l’avoir entre les mains. Heureusement que le studio Agate est actif.
Enfin Empire of Nightmare est un supplément sur le Cryx qui donne froid dans le dos. Si vous voulez jouer des méchants, c’est LE supplément qu’il vous faut car il explore cet archipel dirigé par Thoruk, le père des dragons, et permet là encore pléthore d’options dont l’incarnation de la terrible sorcière de sang!
Qu’on se mette d’accord tout de suite : Eberron est un bon univers. Et IKR aussi. Par contre, on ne peut nier qu’il y a une nette différence dans la difficulté d’appréhender le monde. Les Royaumes d’Acier sont plus accessibles, avec un monde moins complexe et surtout, il se démarque par une volonté de mettre en avant les personnages des joueurs composant des groupes soudés. Cela aide à se tourner vers l’avenir avec un point de vue bien plus clair que dans Eberron. Dans ce dernier, Il est en effet facile de se perdre avec la masse de factions divisant les familles, de factions d’alignement mauvaises et de religions. IKR a moins de factions et la Collecte des âmes a créé une sorte de tabula rasa qui a calmé le monde de Caen. Je trouve aussi qu’il y a un gros manque d’éléments destinés aux joueurs dans Eberron. Si pour les espèces, on est gâté, ce n’est pas le cas des classes et archétypes car, en dehors de l’artificier, on n’a rien à se mettre sous la dent! Pour un univers qu’on pourrait qualifier d’arcano-punk, on aurait pu penser à des tas de nouveaux archétypes pour les classes pré-existantes, de nouveaux lignages d’ensorceleurs, une école orientée sur les objets magiques pour les magiciens et… Que dalle! A l’inverse, IKR propose neuf nouvelles classes, magiques ou mécaniques, voire les deux. Et ne parlons pas des tonnes d’archétypes disponibles qui touchent plus ou moins à la magie, aux scaraciers, aux bêtes de guerre ou aux armes à feu.
J’ai donc fini par préférer IKR à Eberron car que ce soit pour le meneur (que je suis souvent) ou les joueurs, la générosité du jeu est un vrai plus. IKR est facile à mettre en place et les groupes de personnages permettent de savoir quels genres de scénarios on peut vraiment faire pour satisfaire sa table. La traduction française de qualité d’Agate sera aussi, pour certains, un argument déterminant.
Il n’y a pas à dire : Iron Kingdoms Requiem est une pure réussite. Le monde se prend bien en main. Les joueurs vont apprécier l’aspect technique, très attractif. Le meneur va aimer le fait que c’est l’un des jeux utilisant la 5ème édition de Donjons et Dragons figurant par les plus simples à prendre en main. Si vous avez, comme moi, la chance d’avoir des joueurs qui s’investissent, c’est un vrai plaisir à faire tourner. Et s’ils connaissent l’univers, la remise à plat créée par la Collecte évitera pas mal d’ennuis car c’est un jeu tourné vers l’avenir des personnages, évitant un énorme background dont on utilisera souvent que peu dans ses campagnes.
Le kit du MJ est aussi un excellent rapport qualité-prix qui pour 20€ propose un écran de bonne qualité imprimé recto-verso, une grande carte (toujours utile) et un scénario. Donc, si la mékamagie ne vous dérange pas, ou vous intrigue, il ne faut pas bouder vôtre plaisir.
Titre: IRON KINGDOMS REQUIEM
Titre original: id. (Privateer Press – 2018)
Œuvre: LES ROYAUMES D’ACIER
Thème: Science-fantasy / Steampunk
Mécanique: D20
Complexité: Initié
Création et rédaction: Matthew D. Wilson, Matt Goetz, Orrin Grey, Curtis Howard, William Hungerford, Douglas Seacat, William Schoonover, Faye Reppas, John Swinkels
Illustrations de couverture: Nicola Bernardelli (édition Dragon rouge), et Delphine « GinL » (édition Grand Ver)
Illustrations intérieures: Jeff Axer, Arthur Bozonnet, Oscar Cafaro, Mike Capprotti, Dhaniels Castillo, Chippy, Jeremy Chong, Hardy Fowler, Luis Gama, Mariusz Gandzel, Ryan Gitter, Jonathan Gonzales, Ross Grams, Dave Greco, Johan Grenier, Christof Grobelski, Todd Harris, Yun Huai, Huang, Imaginary Friends Studio, Mr. Jack, Thomasz Jedruszek, Alex Konstad, Aleksey Kovalenko, Justin Oaksford, Kiri Østergaard, Leonard, Michal Lisowski, Ben Lo, Raphael, Lübke, Susan Luo, Mitchell Malloy, Néstor Ossandón, Mateusz Ozminski, Grzegorz Pedrycz, Miro Petrov, Kevin Prangley, Dave Rapoza, Xavier Ribeiro, Michael Rookard, Grzegorz Rutkowski, Lie Setiawan, Brian Snoddy, Tobias Trebaljar, Andrea Uderzo, Tyler West, Matthew D. Wilson, James Wolf Strehle, Kieran Yanner
Traduction: Arthur Camboly, Elise Collot, Jennifer Flajolet-Toubas
Matériel: livre de 268 page couleurs format A4 à couverture rigide
Edition: STUDIO AGATE
ISBN: 9782384971060 (juillet 2023)
Prix: 44,90€
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